mardi 20 décembre 2011

La Musique

- Vous sentez cette histoire de rythme, vous aussi ? 
- Je ne sais pas, vous pensez à quoi ?
- Au rythme. Temps fort, temps faible. La musique. Tension, résolution, et cetera.
- Euh oui... Enfin, je sais pas. Vous voulez dire dans la vie ?
- Oui, dans la vie. C'est mieux... Pas seulement dans la lecture ou dans la musique, mais dans la vie, entre les gens...
- Oui. Oui, je vois.
- Et donc, vous sentez ça, vous aussi ?
- Oui... Evidemment.
- Evidemment, évidemment... C'est pas si évident. On peut expliquer les choses autrement. De façon plus linéaire, de cause à effet, de gauche à droite... Alors que cette histoire de rythme, elle sous entend des cycles. Des retours, des répétitions...
- Des reprises...
- Ah, voilà, vous suivez !
- Oh, ça va...
- Oui, des reprises, donc des cycles, dont on est plus ou moins acteurs, dans la vie. Parce que dans la littérature, ou dans la musique, ou au cinéma, l'auteur décide du rythme, en principe... Mais dans la vie, on subit plus les cycles qu'on les écrit... Enfin, il me semble.
- Et donc...
- Bah, donc, il faut être humble et patient. Parce que, pour qu'il y ait des reprises, il faut qu'il y ait des pauses, ou des temps faibles au moins... Enfin, ce n'est pas parce qu'il y a pause qu'il y a reprise. Parfois, il n'est plus question de rythme...
- Quand l'histoire est finie...
- Par exemple, oui, parfois. Mais on ne sait pas toujours de quoi on parle. Dans la musique indienne, les cycles peuvent durer des centaines de mesures, je crois, alors savoir quand le premier temps de la première mesure va revenir... C'est là que cette idée de patience devient intéressante... Il faut y ajouter un genre de foi, même si le mot est un peu gros, peut-être... A partir de quand attend-on autre chose ? Quand on se refuse à attendre encore et toujours. Et je repense à cette histoire plus triviale d'attente de bus : à partir de combien de temps décide-t-on d'y aller finalement à pied ? Parce que, même si on a attendu le bus trop longtemps, on a tendance à l'attendre encore un peu, puisque, justement, on l'a attendu déjà trop longtemps. Alors très vite, il est trop tard pour ne pas l'attendre un peu plus. Pourtant, si l'attente s'éternise, on finit par y aller à pied. Enfin, je dis "y aller", on peut aussi décider de rentrer chez soi, ou de faire autre chose, finalement...
- C'est là que vous vouliez en venir ? 
- Où ça ? Non. Non, je pensais plutôt que parfois, il vaut mieux aller au cinéma, je veux dire s'occuper. En attendant. Que ça revienne. Je ne sais même pas de quoi je parle... D'ailleurs, on peut peut-être oublier qu'on attendait tout court si l'occupation est suffisamment bonne... 
- En attendant que l'occupation elle-même fasse sentir ses cycles...
- Oui...

mardi 13 décembre 2011

Bonsoir

-->
- ... ?
- Bonsoir. Je suis son fils. Il dort.
- A cette heure ?
- C’est une sieste... qui s’éternise.
- …
- Vous voulez attendre ?
- Je ne sais pas… Ca m’ennuie. Je cours tout le temps, alors venir pour l’attendre… Mais c’est mon problème, pas le vôtre.
- Je peux aller le réveiller…
- C'est une idée… En même temps, je détesterais qu'il baille pendant que je parle…
- …
- Non, laissez-le dormir.
- …
- …
- Vous attendez alors ?
- Oui. Euh, non, je sais pas… Mais vous pouvez me laisser si vous avez un truc à faire, je claquerai la porte…
- Ca m’ennuie.
- De quoi ?
- De vous laisser là comme ça.
- Ah, non. Non… Et puis, j’ai un livre.
- …
- …
- C’est quoi ?
- … Roland Barthes par Roland Barthes.
- C’est bien ?
- Ah, oui, c’est bien, oui. Vous voulez que je vous lise un extrait ?
- Je sais pas… Pourquoi pas, oui…
- Alors…
- Excusez-moi, mais c’est vous qui faites voir des vidéos à mon père à la fin des séances ?
- … Oui.
- Bah alors je préfère une vidéo plutôt qu’une lecture.
- …
- Ca vous ennuie ?
- Non, c’est... Non, rien. D’accord. J'hésite entre Luchini lisant Absence, extrait des Fragments et...

dimanche 11 décembre 2011

Hey (an endless and quite punk Pixies cover)


(pour éviter les tremblements au début du morceau, appuyer sur pause
le temps que le fichier soit entièrement chargé, puis relancer la lecture)

Utile Aux Mouches

Je vois un jardin
Au soleil
Au sol, un homme étendu
Les yeux ouverts, le cou tordu
Un vieillard étourdi
Le soleil luit au zénith
J'entends des enfants
Qui jouent à l'ombre
Un peu plus loin, dans le jardin
Il fait beau, presque un peu trop chaud
Tout va bien
Je me vois étendu
Un peu de terre dans la bouche
Les yeux rieurs
Mais un peu trop de terre dans la bouche
Les mouches approchent
Elles ne sont pas farouches
L'une explore l'intérieur de ma bouche
Je me vois étendu dans le jardin
Les enfants jouent à l'ombre un peu plus loin
Je vois les mouches s'approcher
L'une explore déjà ma bouche
Déjà, à l'oeuvre
Une femme approche
Elle hésite
Elle ose, elle me touche
Chasse les mouches
Etendu dans le jardin, je ne sens rien
Elle me touche, pourtant
Etendu dans le jardin, je ne sens rien
Je suis plus utile aux mouches
Pourtant elle me touche
Pourtant elle me touche

mercredi 7 décembre 2011

Dancing Across The Water

--> - Il y a des périodes fastes pour les coïncidences… Enfin, probablement parce qu’on est prêt à les noter, mais quand même…
- Vous pensez à quelque chose en particulier ?
- Oui, en ce moment, je lis la correspondance et les carnets de Diane Arbus, la photographe. Hier soir, je lis trois pages et je tombe sur une de ses notes où elle expose son désir de faire une série sur les gens qui pensent ressembler à d’autres… Et dimanche dernier, je vous parlais justement précisément de cette idée… Ce n’est pas une question qui m’obsède particulièrement pourtant, et elle n’avait rien dit en rapport dans les pages précédentes, j’ai vérifié. Il y a plusieurs autres coïncidences liées à Arbus… C’est assez curieux… Cela dit, il y a peut-être une logique… J’aime tellement cette dame que je me suis peut-être mis à penser un peu comme elle… En lisant ses notes, je suis entré dans sa tête…
- …
- Si je peux récupérer son regard…
- …
- …
- Vous aimez ça, entrer dans la tête des gens ?
- Je ne sais pas comment vous entendez “entrer dans la tête des gens”… Mais peut-être… Enfin, non, pas spécialement. Là, on parle de Diane Arbus. Ses photos me… et son parcours… Ses images ne doivent rien au hasard, alors forcément c’est très intéressant de comprendre un peu mieux… suivre le chemin…
- Qui mène quelque part…
- Oui.
- Au bout de la route.
- Oui.
- …
- Plus loin, au moins.
- Ce n’est pas plus précis ?
- Si… Mais je ne suis pas sûr des mots... Ou plutôt… je crois qu’on trouve ce que c’est en y allant, en le faisant. Mais pour y aller, il faut faire comme si on savait où. Sinon on ne va nulle part.
- Ca se défend...
- Ravi de vous retrouver.
- Qu’est-ce qu’on regarde ?
- On écoute surtout… Visuellement, c’est assez loin de Diane Arbus… Encore que…

mardi 6 décembre 2011

Le Regard de Jules

Caius Julius César a cinquante ans. Il est las de conquérir, de vaincre. 
Peut-être même souhaite-t-il connaître le sort des victimes... 
(On ignore le nom du sculpteur... Arbus l'Ancien ?)

dimanche 4 décembre 2011

Qui ?

--> - On vous a déjà dit à qui vous ressemblez ?
- Euh.. On m'a déjà dit que j'avais des airs de Maurice Ronet...
- Ah oui, Maurice Ronet...
- Ce n'est pas moi qui le dis...
- C'est Romy Schneider ?
- …
- Quoi ? C'est pas très drôle, mais bon.
- Oui. Bon. On peut commencer ?
- Ok, ok, moi j'aurais dit que vous étiez le portrait craché de René Char, qui, peut-être, en effet, a lui-même des faux airs de Maurice Ronet... 
Ok, j'arrête. Mais c'est parce qu'en fait, je voulais vous parler de ça. D'à quoi on ressemble dans le regard des autres. Est-ce que les autres voient le même quand ils nous regardent ? Considérant qu'on leur donnerait le même, bien sûr.
- Bien sûr.
- Je ne pense pas spécialement aux traits physiques, d'ailleurs, mais déjà, si on n'a pas la même tête avec tout le monde, ça commence mal... Moi, par exemple, vous diriez que je ressemble à qui ?
- Je ne sais pas.
- J'aurais dû m'en douter. Bon, je vous dis alors. Non, pas Alain Delon... Plusieurs personnes m'ont dit : Jean Rochefort sans la moustache, mais je pense que c'est plus une façon de se déplacer, certains gestes... Une amie s'obstine à voir de temps en temps une ressemblance avec Harrison Ford, mais elle doit confondre... Et deux-trois autres personnes dont ma femme qui voient quelque chose de Roberto Benigni... Bon, entre autres. Mais déjà, en prenant ces trois-là, on voit bien le problème.
- …
- Vous ne voyez pas ?
- Pas très bien, non...
- Bah, si. Ils n'ont rien à voir les uns avec les autres et pourtant je ressemble à chacun d'eux selon qui me regarde. Enfin, à l'un, mais pas à l'autre... C'est dur à expliquer, mais vous ne faites aucun effort aussi. 
De toutes façons, ce n'est pas vraiment le sujet qui m'intéresse, ce que je voudrais savoir c'est si ça se voit quand on s'efforce d'être le même avec tout le monde. Enfin, pas “si ça se voit”, mais plutôt si ça a un réel intérêt... Parce que si les gens voient ce qu'ils veulent, où bien ce qu'ils ont vu un jour et restent bloqués sur cette image, on peut se demander si ça a un intérêt d'être le même avec tout le monde...
- Vous vous efforcez d'être le même avec tout le monde par intérêt ?
- Ben non. Ce n'est pas du tout ce que je dis. D'abord, je ne m'efforce pas, j'ai même l'impression que ça se fait tout seul. Et ce n'est évidemment pas par intérêt, vous prenez le mot à l'envers. Mais il n'y a rien à tirer de vous aujourd'hui, vous vous êtes vexé... Je vous ai vexé, pardon, d'entrée, et c'était foutu. C'est pas grave, ça ne peut pas marcher à tous les coups, et puis c'est bien que ça ne soit pas toujours pareil. D'ailleurs, aujourd'hui, pas de vidéo.

mercredi 30 novembre 2011

Western Haïku n°15


Une pépite dans l’eau
Les mains liées derrière le dos
Je bois, il fait chaud

jeudi 24 novembre 2011

“How Could They Subject Us To this ?”

- Je dis beaucoup “Objectivement”. Enfin, souvent.
- Et c'est un problème ?
- Un problème, peut-être pas...
- Mais vous aimeriez qu'on en parle...
- Bah, je me rends bien compte que ça ne va pas changer la face du monde... Mais, euh, oui.
- Et vous voulez qu'on fasse comment ?
- Bah, je vous explique. J'aime bien avoir raison. Comme tout le monde, mais disons... plutôt plus, alors j'imagine que ce mot m'arrange bien pour donner un peu plus de poids à ma subjectivité. C'est devenu un genre de tic de langage.
- Vous voulez que je vous dise ce que j'en pense ?
- Oui, bien sûr.
- Vous n'avez pas envie d'en parler.
- Bah si, la preuve.
- La preuve de quoi ?
- … Euh, là, on en parle ? C'est bien moi qui ai mis le sujet sur le tapis, non ?
- Oui, mais pas pour en parler.
- C'est nul, ce que vous faites, vous essayez juste de me pousser à dire “objectivement”...
- Non. Vous ne savez pas toujours ce que je pense.
- …
- Allez-y, continuez.
- Subjectivement, vous êtes nul.
- Très bien, vous voulez qu'on parle d'autre chose ?
- Non...
- Si c'était un tic de langage, vous l'avez perdu, alors on peut passer à autre chose, si vous voulez...
- …
- …
- Ok, on regarde une vidéo, mais c'est moi qui choisis.

mardi 22 novembre 2011

I Want Trouble (Improvisation Sanguine)


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lundi 21 novembre 2011

Lonely Boy

 
-->- J'aimerais être un ours.
- Pourquoi ?
- Pour pouvoir hiberner. C'est la saison, non ?
- Vous savez, les ours n'hibernent pas vraiment, ce sont des semi-hibernants...
- Oh, une demi-léthargie m'ira très bien, je ne tiens pas à disparaître. Ce que je voudrais, c'est une grotte. - Avec un feu.
- Vous voulez la fourrure et le feu ?
- La fourrure et le feu, oui, c'est ça. Pourquoi, c'est impossible ?
- Si... Tout est possible, mais ça a forcément un prix.
- Sinon, je peux dire autre chose, je veux être Lucky Luke à la fin des histoires, quand il chante “I'm a poor lonesome cowboy Long way from home...” sauf que je voudrais qu'une chanteuse de saloon m'attende quelque part.
- C'est autre chose, mais c'est la même chose.
- Ah bon. D'accord. Sinon, je peux me planquer dans le dernier Tom Waits que je garde dans un coin comme un joker. Il y a plein de nouveaux trucs à écouter... On pourrait se faire un titre de Crazy Clown Time de David Lynch, par exemple, mais je préfère finir sur une autre note.

mercredi 16 novembre 2011

Trouble Everyday

-->
--> - Il y a des choses à faire.
- Oui ?
- Oui, au lieu de parler.
- … ?
- Comme dans Trouble Everyday, par exemple, Béatrice Dalle parle peu, mais elle agit. Elle ressent des choses, elle les vit. Elle prouve, quoi.
- Je ne connais pas Trouble Everyday…
- C’est un film de Claire Denis, avec Béatrice Dalle. Elle mange ses amants. Littéralement.
- Ah…
- Oui, mais ça n’a rien de gore, c’est de l’amour. D’ailleurs, c’est beau, ça n’a rien d’un viol. Le mangeur et le mangé font la même chose, ensemble…
- Ah bon…
- Enfin, toutes les victimes ne sont pas consentantes… Il faudrait que je le revoie… C’est violent, bien sûr…
- Bien sûr… Le titre est intéressant…
- Ah oui, vous trouvez, vous aussi… La chanson titre est assez magnifique, aussi. Caressante, vénéneuse… La voix de Stuart Staples chante en connaissance de cause... avec une grande douceur, alors qu’elle a vu, qu’elle sait… Enfin, c’est comme ça que je l’entends…
- …
- Je ne vous entends pas beaucoup, vous…
- Non, je... vous écoute.
- Ben, rien, je pense à ça, c'est tout… C’est pas un truc tiède, quoi. Le désir, le corps, le coeur, le cerveau, la bouche, le ventre… Le festin nu sanglant, la grande bouffe absolue, la corrida approuvée par Ernest Coeurderoy...
- …
- Oui ?
- Non, c’est vrai, j’ai un peu de mal à vous suivre… On peut reprendre au début ?
  

dimanche 13 novembre 2011

Quatorze Ans

Aujourd'hui, sur les coups de dix heures, Marcel Berthet a emmené son ami Maurice Brocco trente ans en arrière, à l'âge où l'on fait des bêtises moins méchantes que mémorables. En l'occurrence, la bêtise du jour consistait à traverser les passages souterrains de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à vélo. Ces passages, qui permettent au personnel hospitalier de conduire les patients sur brancard d'un bâtiment à un autre sans que ceux-ci aient à subir de variation de température, sont étroits, bas de plafond et entièrement recouverts de peinture laquée, mais ce qui impressionne le plus le visiteur de passage c'est de découvrir cet incroyable dédale aux multiples carrefours (surveillés par des caméras), ville souterraine, sous la ville hôpital, dans la ville insouciante. Marcel était déjà venu en bmx, mais il y a quelques décennies, aussi je ne pus lui en vouloir lorsqu'il hésita un court instant à l'un des croisements... et qu'une porte s'ouvrit alors que nous étions à l'arrêt. Avant que nos battement cardiaques n'aient eu le temps de s'emballer, un homme souriant, sympathique et pas surpris une seconde de tomber sur deux cyclistes du dimanche, répondit à notre désarroi en nous indiquant précisément le chemin le plus court vers la surface. De retour sous le soleil, avant de reprendre notre balade matinale, Marcel exprima le besoin de faire une courte halte non loin de là, dans la dernière pissotière de la capitale qui jouxte le mur nord de la prison de la Santé. Maurice et Marcel entamèrent alors une discussion sur les soupeurs, légende urbaine ou réalité, et tentèrent de comprendre le phénomène en rivalisant de correspondances et autres images mentales permettant d'approcher la motivation et le plaisir en question... Mais ceci est une autre histoire (ou pas).


samedi 12 novembre 2011

Là (Improvisation avec des bras)


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vendredi 11 novembre 2011

Sans Titre

L'album photo de ma famille est exposé 1 Place de la Concorde à Paris jusqu'au 5 février. Ils sont tous là : la jeune femme dans une robe brillante, le géant juif chez ses parents dans le Bronx, la serveuse dans un camp nudiste, le bébé en larmes, l'avaleuse de sabre dans un cirque, les handicapés mentaux à la fête d'Halloween, les sœurs Gish, … , même la fille à la casquette que je n'avais encore jamais vue.

Il y a beaucoup trop de visiteurs, mais les yeux vous attrapent par dessus les épaules, entre les têtes, à travers les cheveux. Vous rencontrez les autres comme nulle part et vous vous trouvez dans chaque image : vieux, nain, enfant, en couple, abandonné, fou, pleurant, adolescent, enlacé, difforme, à noël, au parc, sur un lit, courant, assis sur un banc, masqué, nu... Ici et perdu, à vif et déjà loin.
Je ne savais pas qu'on pouvait aimer les gens autant.

mercredi 9 novembre 2011

Spirituel Ou... Pas

-->
-     Il se passe des trucs. J’ai l’impression qu’on est au début de quelque chose… Qu’il va se passer des choses.
-     Ah bon…
-     Oui, c’était un peu en stand-by depuis quelque temps. Depuis trop longtemps, d’ailleurs…
-     Si vous le dites…
-     C’est marrant que vous ne le voyiez pas.
-     Mais vous parlez de quoi au juste ?
-     Je sais pas. De tout…
-     C’est pas clair clair…
-     Par exemple, du nouveau clip de Seventeen Evergreen. Même si j’adorais Life Embarasses Me On Planet Earth et le clip de Haven’t Been Yourself et sa partouze existentielle, il faut le comparer avec le nouveau Polarity Song qui a une fraîcheur, une énergie... nouvelle. On passe à l’action, quoi. L’action con, peut-être, mais l’action.
-    
-     Je vous montrerai le clip. Mais je pourrais dire aussi : crise monétaire, européenne, mondiale, Montebourg même, et la fin du pétrole, de la bagnole, le réveil anti-nucléaire, le vin sans soufre, les insurgés, les indignés… non, pas intouchables, ça, ça montrerait plutôt le contraire : que la propagande niaise et ses clichés grossiers a encore de beaux jours devant elle… D’accord, c’est pas clair, mais bon, j’ai confiance. Le vingt-et-unième siècle sera spirituel ou ne sera pas. Il paraît que Malraux ne l’aurait même pas dit, en fait. Mais on s’en fout, c’est une bonne phrase. Enfin, j’aime son alternative : autrement ou pas du tout. Changement, révolution, quelque chose… Si j’étais pauvre je ferais tout péter…
-    
-     Oui, c’est drôle, je sais. Je suis drôle. Mais ça va, personne ne m’entend. Il n’y a que vous et vous, au fond, vous êtes d’accord, même si vous trouvez ça con. Enfin, vous aimeriez penser des trucs comme ça plutôt que de tout analyser, démonter, rationaliser, tempérer, justifier, ratiociner… Oui, parfaitement, vous ratiocinez en permanence.
-     Vous, vous savez ce que je pense ?
-     Oui, ça c’est certain. Par exemple, là, en ce moment, vous vous dites que je ne suis pas spirituel. Et je sais aussi que vous allez aimer le nouveau Seventeen Evergreen. 
                         
           

dimanche 6 novembre 2011

C'est ça


- Et puis, je cligne des yeux plus de six millions de fois par an. Quand j'y pense, je me crispe, partout, dans le cou, les reins, et tous mes doigts de pieds se replient dans les Stan Smith. C'est insupportable de cligner des yeux. Il y a des gens qui clignent les yeux sans arrêt, ils doivent cligner des dizaines de millions de fois par an, ce qui est à peine plus énervant, d'accord. Mais quand j'en ai un en face de moi, ça me crispe quand même particulièrement. Il y a des gens, plus rares, qui ne clignent presque jamais. Si, ça existe. Je ne sais pas si c'est dangereux. Mais ça me crispe aussi. Autant que les hystériques. Peut-être plus, même. Ou différemment. Je crois que ça m'angoisse, en plus... Il paraît qu'on répand en moyenne plus de 600 000 particules de peau par heure, tous autant qu'on est, cligneurs hystériques ou non. C'est atroce. Surtout quand on sait que chaque millimètre carré de peau compte plus de trois millions de bactéries. Je ne comprends pas comment vous faites pour vivre normalement au milieu de tout ça...
- …
- Ca ne vous dérange pas, vous ?
- Je n'y pense pas, c'est tout.
- « Je n'y pense pas, c'est tout », vous êtes drôle... C'est ça le secret ? Vous ne pensez à rien ? Super... Bravo.
- Vous avez vu dans quel état ça vous met ?
- Comment, « dans quel état » ? Je suis vivant et conscient, c'est tout.
- Bon alors tout va bien.
- Non, tout ne va pas bien.
- …
- Enfin, si, ça va. Mais c'est pas si simple.
- Mangez un gâteau au chocolat.
- Quoi ?
- Si vous êtes déprimé, mangez un gâteau au chocolat.
- Je ne suis pas déprimé. Et... elle est complètement con, votre phrase.
- Comme vous y allez...
- …
- … ?
- … Aaaaatcha !
- A vos souhaits. Vous savez que vous venez d'éternuer à 160 km/h ?
- C'est dégueulasse.
- Qu'est-ce qui est dégueulasse ?
- Ce que vous faites. Ca me fait penser à la scène d'Un Poison Violent, C'est ça l'Amour entre Brialy et Gainsbourg et du coup à la fantastique version d'Eszter Balint. Je vous laisse, faut que je retrouve tout de suite le cd.
- Vous partez comme ça ?
- Non...
         

samedi 5 novembre 2011

Dans Le Circulaire Des Lilas

Quand Pierre tomba sur Amélie, il sut qu’elle était la femme de sa vie. Pour Amélie, la réciproque est plus difficile à affirmer, car si elle chavira, ce fut plus certainement sous les 80 kilos du bonhomme que sous son charme.
Etendu de tout son long sur Amélie, étendue de tout son long sur le plancher du bus circulaire des Lilas, Pierre lui avoua aussitôt qu’il était atteint d’amnésie antérograde sévère, ce qui ne l’empêchait pas de s’en souvenir et n’expliquait pas leur situation présente (bien que ce dernier point n’était pas totalement à exclure). S’il préférait l’informer sans attendre, c’était moins par peur d’oublier de s’excuser (car en ce cas il eût commencé par là) que pour qu’Amélie sache tout de suite sous qui elle était tombée. Car cela ne faisait aucun doute, Amélie était la femme de sa vie, comme Pierre le lui déclara sous les néons du bus circulaire des Lilas.
Il faut avouer que la position impossible dans laquelle se trouvait Amélie semblait lui convenir à merveille, et pas plus que Pierre, elle ne songea un seul instant à se relever.
S’ils retrouvèrent une position verticale, ils ne le durent qu’à la sollicitude de passagers inconscients de ce qui se jouait. Mais en tout état de cause, Amélie et Pierre sur pieds, le charme était rompu, et quelques minutes plus tard, elle descendit à la Mairie sans qu’il n’emboîtât son pas.
Le mardi suivant, lorsque les portes du bus s’ouvrirent à l’arrêt Pasteur, Pierre ne remarqua pas la baguette supérieure tordue de la deuxième marche sur laquelle son pied avait déjà pourtant buté par le passé. Une fois encore, il accrocha le décroché de la deuxième marche et perdit l’équilibre. Devant lui, une femme à l’air perdu hésitait entre aller plus avant ou redescendre du bus. Il eut juste le temps de lire sur sa veste « Je m’appelle Amélie, je souffre d’amnésie antérograde, mes coordonnées sont au verso ». Cette chute était un coup de pouce du destin. Quand Pierre tomba sur Amélie, il sut qu’elle était la femme de sa vie.

Le Circulaire des Lilas (Impro sur un texte pas fait pour ça)


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jeudi 3 novembre 2011

Wherever I Lay My Bike (Très Grande Boucle Improvisée)


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lundi 31 octobre 2011

Quel Nouveau Livre Dans La Bibliothèque ?


Ce matin, alors que je me promenais sans but dans les rues d'Arles, une fenêtre brisée m’a fait me souvenir (très vaguement, je le reconnais, merci google) de la théorie de Frédéric Bastiat "Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas" où il expose qu’au lieu de s’en tenir à l'effet visible d’un événement, les économistes se doivent également de prévoir et de mesurer les effets qui en découlent ou en pâtissent (notion que ma tête de non-économiste simplifie généralement en : “on aurait souvent intérêt à considérer ce qui pourrait être au lieu de s’en tenir à ce qui est”).
Mais revenons dans les rues d’Arles où le temps plus que clément et le calme de la vieille ville n’invitant pas à remplacer le carreau cassé dans les plus brefs délais permettent donc à l'occupant des lieux (s'inspirant de l'anecdote de Bastiat) de se rendre à la librairie plutôt que chez le vitrier (qui fait le pont, d’ailleurs, ce qui n’est pas le cas du libraire) pour y quérir mais quel nouveau livre ?

Pour ceux que ça intéresserait, très éventuellement, voici l'extrait de “Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas” qui fit naître ma dispensable pensée :
« Avez-vous jamais été témoin de la fureur du bon bourgeois Jacques Bonhomme, quand son fils terrible est parvenu à casser un carreau de vitre? Si vous avez assisté à ce spectacle, à coup sûr vous aurez aussi constaté que tous les assistants, fussent-ils trente, semblent s'être donné le mot pour offrir au propriétaire infortuné cette consolation uniforme: « À quelque chose malheur est bon. De tels accidents font aller l'industrie. Il faut que tout le monde vive. Que deviendraient les vitriers, si l'on ne cassait jamais de vitres? »
Or, il y a dans cette formule de condoléance toute une théorie, qu'il est bon de surprendre flagrante delicto, dans ce cas très-simple, attendu que c'est exactement la même que celle qui, par malheur, régit la plupart de nos institutions économiques.
À supposer qu'il faille dépenser six francs pour réparer le dommage, si l'on veut dire que l'accident fait arriver six francs à l'industrie vitrière, qu'il encourage dans la mesure de six francs la susdite industrie, je l'accorde, je ne conteste en aucune façon, on raisonne juste. Le vitrier va venir, il fera besogne, touchera six francs, se frottera les mains et bénira de son cœur l'enfant terrible. C'est ce qu'on voit.
Mais si, par voie de déduction, on arrive à conclure, comme on le fait trop souvent, qu'il est bon qu'on casse les vitres, que cela fait circuler l'argent, qu'il en résulte un encouragement pour l'industrie en général, je suis obligé de m'écrier: halte-là! Votre théorie s'arrête à ce qu'on voit, elle ne tient pas compte de ce qu'on ne voit pas.
On ne voit pas que, puisque notre bourgeois a dépensé six francs à une chose, il ne pourra plus les dépenser à une autre. On ne voit pas que s'il n'eût pas eu de vitre à remplacer, il eût remplacé, par exemple, ses souliers éculés ou mis un livre de plus dans sa bibliothèque. Bref, il aurait fait de ses six francs un emploi quelconque qu'il ne fera pas.
Faisons donc le compte de l'industrie en général.
La vitre étant cassée, l'industrie vitrière est encouragée dans la mesure de six francs; c'est ce qu'on voit.
Si la vitre n'eût pas été cassée, l'industrie cordonnière (ou toute autre) eût été encouragée dans la mesure de six francs; c'est ce qu'on ne voit pas.
Et si l'on prenait en considération ce qu'on ne voit pas, parce que c'est un fait négatif, aussi bien que ce que l'on voit, parce que c'est un fait positif, on comprendrait qu'il n'y a aucun intérêt pour l'industrie en général, ou pour l'ensemble du travail national, à ce que des vitres se cassent ou ne se cassent pas.
Faisons maintenant le compte de Jacques Bonhomme.
Dans la première hypothèse, celle de la vitre cassée, il dépense six francs, et a, ni plus ni moins que devant, la jouissance d'une vitre.
Dans la seconde, celle où l'accident ne fût pas arrivé, il aurait dépensé six francs en chaussure et aurait eu tout à la fois la jouissance d'une paire de souliers et celle d'une vitre.  Or, comme Jacques Bonhomme fait partie de la société, il faut conclure de là que, considérée dans son ensemble, et toute balance faite de ses travaux et de ses jouissances, elle a perdu la valeur de la vitre cassée.» 



dimanche 30 octobre 2011



un jour debout à côté d’un banc silhouette se rapprochant

des bras des bras des bras des bras

aussitôt les pavés résonnent les pas d'un corps à huit membres

drôle de cabri

pour les soupirs un pont pas un passage : espace détaché suspendu à côté entre plus haut et plus bas

absolument vertical

jamais encore des bouches qui se taisent autant

ce goût

volées de marches irrégulières qui mènent à l’église close là-haut

mais c’est des pierres de l’air du soleil le souffle la peau

les yeux sur la madone en or 

inutile vigie guettant les premiers rayons de l’aube depuis quand

sur un banc sans public qui prend la forme des corps

ici là ailleurs partout encore enfant toujours les mots pour vérifier la présence

le silence

plus tard les jambes mélangées pendent au-dessus de l’eau

des tissus des mains le doigt dans le creux du poignet

clapotis muets

déchirure

et les roues tournent et les éoliennes