jeudi 27 septembre 2012

Un petit vélo dans la tête



- Dring !
- Ah, vous sonnez, maintenant ?
- Je ne me souvenais plus… Avant, je frappais ?
- Il me semble…
- …
- Ca vous amuse ?
- Frapper avant d’entrer, c’est comme « Pendez-le, on le jugera après »…
- Vous ne voulez pas vous asseoir ?
- Je ne sais pas… On ne peut pas rester debout ?
- Si.
- …
- Je vous écoute.
- Eh bien justement, je n’ai rien à dire. C’est pour ça que je suis là. Je suis prisonnier de boucles sans queue ni tête. Je ne comprends plus rien à grand chose… J’ai l’impression que mon cerveau a grillé.
- Grillé ?
- Oui, grillé. J’ai eu un coup de chaleur cet été et j’ai lu sur le web… Oui, je sais, mais je ne peux pas m’en empêcher… Bref, j’ai lu sur le web qu’en cas de coup de chaleur, le cerveau était atteint en premier…
- En premier…
- Oui, avant les reins, le foie, le colon…
- Oui.
- Oui, et donc j’ai peur d’avoir perdu beaucoup. De faculté mentale...
- Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?
- Parce que je réfléchis comme un imbécile. Quand je réfléchis.
- Allez-y, par exemple…
- J’ai des pensées pathétiques. Par exemple, je me dis que la vie se découpe en deux parties : au milieu, un champ d’herbe tendre parsemée de coquelicots où attend une femme inconnue qu’on aime et qui nous aime. D’un côté, il y a le premier temps de la vie où on se dit qu’on ira dans le champ plus tard ; et de l’autre, le second temps de la vie où on réalise qu'on n'est pas allé dans le champ, ou si peu. Voilà. Vous voyez ?
- Quoi ?
- Que mon cerveau est grillé.
- …
- Et sinon, je crois que je suis sourd aussi.
- Vous faites toujours du vélo ?
- Oui.
- Continuez.
- A faire du vélo ?
- Oui, faites de l’exercice.
Comme vous vous sentez diminué, aujourd’hui c’est moi qui vais vous montrer une vidéo.

mardi 18 septembre 2012

José Tomas - Nîmes, 16 septembre 2012

Je ne sais pas parler des six taureaux de José Tomas. Je n'ai ni la culture, ni l'expérience suffisante (je ne suis qu'un petit cochon qui s'est offert la meilleure des confitures). Son génie et mon ignorance m'ont sauté aux yeux à la première passe de cape (que je ne m'amuserai même pas à appeler par son prénom), mais je peux dire que ma peau s'est rétractée pendant plusieurs minutes (comme j'ignorais que c'était possible) et que mon cœur s'est arrêté deux fois (ou douze). Si vous ne croyez pas aux miracles, passez votre chemin, il n’est question que de ça.
Je peux dire que le ciel était aussi bleu que le mistral absent, et que l'ovale antique des arènes de Nîmes s'accordait magnifiquement à l’art classique du sobrissime torero.
Je peux dire que cet homme-là est différent ; il joue Phèdre et Hyppolite dans un même geste ; il donne la mort comme personne (comme un samouraï gitan, un chevalier sans cheval, un anti Buffalo Bill). Il n'élève jamais la voix, il murmure aux oreilles des taureaux (c'est pour ça qu'on les lui donne toutes) ; il ne tape pas davantage du pied, il glisse ses talons sous leur nez ; et plus l’animal est rapide, plus sa main ralentit.
Il me semble que son quatrième taureau a été épargné par grâce collatérale. Tomas l'a élevé au rang de graciable. Et il l'a raccompagné au toril comme on reconduit une jeune fille chez ses parents après le bal. C'était de la magie (oui, je peux dire ce mot usé, c'est toutes les autres fois que je n'aurais pas dû). Dimanche, j'ai vu Houdini sous le soleil de Satan.

dimanche 16 septembre 2012

Et il parle

Le garçon est à peine un homme qu'il a déjà deux voix. Il mue, se révélant traître à lui-même, aux oreilles de tous. On s'épargnera donc dès lors de compter ses paroles. Même s'il essaya sincèrement, y mettant alors tout son cœur, une fois au moins. Et j'en ai connu qui persévérèrent, mais laissons-là ces originaux et suivons celui-ci car il est l'ordinaire, le mammifère bavard sur deux pattes modèle standard, celui qu'il nous faut, ne chipotons pas. Et donc, aussi normal qu'il fut, quand il retrouva ses esprits, dès la première fois, il sut. Que le désir comblé en appelait de différents, et la cruauté du temps, et tout un tas d'autres choses inutiles à dire. Il saisit le tout d'un coup. Et le monde s'est ouvert, mais dedans, grande crevasse, d'un coup de pic à glace de la glotte au scrotum. Et il a poussé un cri, de sa voix d'enfant retrouvée pour un instant. Comme les autres avant lui.
Depuis, il avance, timide le plus souvent, hardi parfois, calme ou impatient, mais la peine toujours mêlée à la joie, à chaque pas, écrivant la fin au début, n'oubliant jamais avoir dit deux fois "cette fois, c'est différent". Et pourtant, il parle encore. De la voix qu'il croit sienne. Le vieux Werther.  

lundi 10 septembre 2012

Juan Bautista - 08/09/12 (Toro de Victoriano del Rio)


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Et sur ce mur lorsque le soir descend
Aranjuez, mon amour
On croirait voir des taches de sang 

Ce ne sont que des roses