vendredi 28 septembre 2018

Quand c'est l'apocalypse, c'est l'apocalypse, Carpentier.

Immortels

- Oh, un revenant.
- Non, c'est juste moi.
- Quand même, ça fait une éternité.
- Pas tout à fait.
- Comment allez-vous ?
- Ca va.
- Ca me fait plaisir de vous voir.
- Moi aussi.
- Vous avez bonne mine. Calme et bronzé.
- Non, c'est ma peau. C'est quand je suis ému. Ou quand il fait froid. 
- Vous avez froid ?
- Non.
- … 
- Vous avez vu Coin-Coin et les z'inhumains ?
- Non. C'est la suite du Ptit Quinquin ?
- Oui, si on veut. Je pense à la scène où Coin-Coin dit à Eve que même si elle est gouine ou n'importe, il l'aime quand même infiniment.
- Oui.
- Vous devriez voir ça.
- D'accord.
- Et sinon, j'ai envie qu'on écoute ça.

mardi 25 septembre 2018

Sauve qui peut (la vie)

Une scène d'adieux, et de la dynamite au milieu. Il attend sur un quai de gare. Elle arrive à vélo, en pédalant au bord du quai. Elle s'arrête à sa hauteur. Un train surgit, dans son dos à elle, à fond de train, sans arrêt en gare. Elle est trop près de la voie, en danger. D'un bras aimant, il les rapproche de lui, elle et son vélo. Il lui dit : « Je voulais te dire... », mais le train les frôle alors, dans un vacarme simplement réaliste. De lui, nous n'entendrons pas un mot de plus. Le train est passé. D'elle, on entendra juste ça : « C’est vrai. Mais c'est pas triste. »
Pour une critique sensible de Sauve qui peut (la vie)
http://www.gerardcourant.com/index.php?t=ecrits&e=93
http://www.gerardcourant.com/index.php?t=ecrits&e=92

mardi 18 septembre 2018

Chez ma grand-mère, au 45 rue Jean-Noël Pelnard

Chez ma grand-mère, au 45 rue Jean-Noël Pelnard, à Fontenay-Aux-Roses, cette exacte tapisserie de papa cerf, maman biche et bébé faon, était accrochée au-dessus du buffet de la salle à manger. Elle me terrorisait, cette tapisserie, je pèse mes mots. Les feuillages touffus cachaient tous les loups du monde, serpents, tigres, sorcières, monstres, ogres. Terreur d'enfant, et tristesse insondable, aussi. Nature vivante morte, figée, grise, sombre, pas un rai de soleil dans la clairière, pas un Pan-Pan sautillant, pas une grenouille dans la mare au diable. Pas de ciel, pas d'horizon, poussière tu es, poussière tu retourneras.
J'étais pourtant souvent assis en face, allez savoir pourquoi, les enfants aiment les animaux, non ? Alors je tournais la tête vers la fenêtre, cherchant la voie ferrée derrière les voilages ondulant dans le courant d'air, pour attraper un RER au passage, qui m'emporterait loin de la forêt maudite.
En tombant sur l'oeuvre de Daniel Spoerri, au musée d'art moderne de la ville de Paris, j'ai retrouvée intacte l'atmosphère du 45, rue Jean-Noël Pelnard, et malgré son collage pied-de-nez en 3D, j'ai replongé dans la même sinistre forêt profonde. Une tapisserie murale fanée, comme une capsule d'éternité.
Daniel Spoerri

vendredi 14 septembre 2018

Philip Roth en Corrèze

Mickey Sabbath, le héros du théâtre de Sabbath de Philip Roth, retrouve à plusieurs reprises Drenka Balich, son amoureuse, au cimetière de Madamaska Falls, où elle est enterrée. Je ne suis jamais allé à Madamaska Falls, mais en passant cet été devant le cimetière de Meilhards, en Corrèze, j'ai vu la très exacte description de Philip Roth. Une fulgurance, d'une évidence incontestable, la silhouette de Mickey Sabbath disparaissant justement derrière la petite cabane en haut de l'allée à l'instant où je stoppais mon véhicule.

Meilhards, Corrèze, France














J'ai alors pris une photo pour comparer avec le cimetière de Madamaska Falls, Maine, que Google ne manquerait pas de me montrer, mais pour le trouver j'ai dû être souple avec l'orthographe et la précision géographique. En effet, rien de plus approchant que le St David Catholic cemetery, sur l'US Highway 1, à la sortie de Madawaska, avec un w à la place du m. 
Il vous suffira de lire, ou de relire, Le théâtre de Sabbath, pour vérifier que Meilhards remporte haut-la-main ce comparatif.

Madawaska, Maine, USA