- Dring !
- Ah, vous sonnez, maintenant ?
- Je ne me souvenais plus… Avant, je frappais ?
- Il me semble…
- …
- Ca vous amuse ?
- Frapper avant d’entrer, c’est comme « Pendez-le, on
le jugera après »…
- Vous ne voulez pas vous asseoir ?
- Je ne sais pas… On ne peut pas rester debout ?
- Si.
- …
- Je vous écoute.
- Eh bien justement, je n’ai rien à dire. C’est pour ça que
je suis là. Je suis prisonnier de boucles sans queue ni tête. Je ne comprends plus rien à grand
chose… J’ai l’impression que mon cerveau a grillé.
- Grillé ?
- Oui, grillé. J’ai eu un coup de chaleur cet été et j’ai
lu sur le web… Oui, je sais, mais je ne peux pas m’en empêcher… Bref, j’ai lu
sur le web qu’en cas de coup de chaleur, le cerveau était atteint en premier…
- En premier…
- Oui, avant les reins, le foie, le colon…
- Oui.
- Oui, et donc j’ai peur d’avoir perdu beaucoup. De faculté
mentale...
- Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?
- Parce que je réfléchis comme un imbécile. Quand je
réfléchis.
- Allez-y, par exemple…
- J’ai des pensées pathétiques. Par exemple, je me dis que
la vie se découpe en deux parties : au milieu, un champ d’herbe tendre
parsemée de coquelicots où attend une femme inconnue qu’on aime et qui nous aime. D’un côté, il y a le premier temps de la vie où on se dit qu’on ira
dans le champ plus tard ; et de l’autre, le second temps de la vie où on réalise qu'on n'est pas allé dans le champ, ou si peu. Voilà. Vous voyez ?
- Quoi ?
- Que mon cerveau est grillé.
- …
- Et sinon, je crois que je suis sourd aussi.
- Vous faites toujours du vélo ?
- Oui.
- Continuez.
- A faire du vélo ?
- Oui, faites de l’exercice.
Comme vous vous sentez diminué, aujourd’hui c’est moi qui
vais vous montrer une vidéo.