- Je ne sais plus.
- Quoi ?
- Rien.
- Ah, tout va
bien alors.
- Non, je ne sais
plus rien.
- ...
- C'est très
difficile, non ?
- Quoi ?
- Tout.
- Mais encore...
- Bah, être
tellement imparfait. Aveugle. Inconscient. Rater autant. Aimer mal. Etre
égoïste, velléitaire, incohérent...
- Ouh la !
- Quoi ?
- Ca fait
beaucoup.
- Je commençais à
peine.
- Prenons
incohérent, par exemple. Qu'est-ce qui vous fait vous sentir particulièrement
incohérent ?
- Par exemple, je
me réjouis assez franchement que des milliers de personnes prennent enfin la
parole, et s'ils doivent brûler des voitures pour qu'on les écoute, ça ne me
pose pas de problème, je m'étonne plutôt que ça ne soit pas arrivé plus tôt.
Pour autant, je ne porte pas de gilet jaune moi-même.
- Parce que ce
n'est pas votre style. Vous êtes coquet.
- Oui, c'est ça.
Je suis coquet. J'ai pris l'ascenseur social, je suis pas pressé pressé de
redescendre à pied.
- Ca peut se
comprendre.
- Pas tellement,
justement. J'ai pris ce qu'on me donnait sans me poser trop de questions.
- On vous a donné
quelque chose.
- Pas exactement.
C'était là, je l'ai pris.
- Vous auriez dû
faire quoi ?
- Remettre en
cause le système.
- Ah ouais.
- Oui, on ne
découvre pas aujourd'hui que le capitalisme produit de l'injustice. Même à quinze
ans, je le savais.
- Et vous n'avez
pas fait la révolution.
- Non.
- Quelle honte.
- Bah, un peu,
oui.
- Et sinon, ça va
?
- Je peux pas me
plaindre. Sauf de moi, c'est ce que je commençais à vous dire...
- Vous
reviendrez.
- Oui.
- On regarde
quelque chose ?
- Oui.