C’est sur la route d’Oletta en quittant Saint-Florent, on
prend la petite route à droite juste avant la pizzeria, on laisse le chêne
monumental sur la droite et on prend le chemin de terre à gauche deux cent
mètres plus loin. On va tout au bout et on laisse la voiture là où c’est
indiqué, on revient vers la maison, on traverse la passerelle et on s’installe
à une des tables, dans le jardin, entre la cuisine et le potager. On le sent
tout de suite, on est au bon endroit, mieux que ça, un des tous meilleurs endroits.
On reviendra demain, et après-demain, et après, tant qu’on sera là. Tout est
bio, c’est évident, mais tout est absolument délicieux, ce qui l’est moins. Des
beignets de tomates comme dans un rêve, un gaspacho de courgettes au basilic
ultra addictif, des cannelloni au brocciu à la menthe simplement parfaits, un sanglier dont on se serait fait un ami de son vivant, un mignon
de porc aux mirabelles qui donne envie d’embrasser Jérémie Verdeau sans plus
attendre, et sa femme, et son père, et la petite bande d’assistants
jardiniers-cuisiniers qui travaillent en se marrant. On voudrait rester là
toujours à siroter son Patrimonio en écoutant Bob Marley. Les Verdeau prévoient
d’ouvrir une ou deux chambres, bientôt, peut-être… Si on peut y dormir, ce sera
juste impossible de les quitter.
vendredi 27 juillet 2012
lundi 16 juillet 2012
(Le Diable Probablement)
12h25, je monte la rue du Cloître vers l’amphithéâtre.
Sur la gauche, un portail de bois éternellement fermé est aujourd’hui ouvert.
Deux écrans vidéo, un amoncellement de coussins et une rangée de spots
indiquent un espace ouvert au public. J’entre. L’ancienne écurie abrite
désormais une librairie minimaliste : une sélection de livres et quelques
vidéos sont alignés sur un long coffre dans une demie pénombre. La sélection,
évitant toute actualité, révèle un goût éclectique et sûr, les choix d’un
libraire original et courageux, mais justement, nulle trace du libraire en question. Je
traîne en l’attendant quand soudain, à un mètre de moi, après une petite
détonation, un appareil propulse un épais nuage de fumée qui envahit bientôt toute la
pièce. Je sursaute, je ris, et, toujours seul, je décide de sortir avec la fumée. A l’extérieur, sur l’autre moitié du portail, une phrase écrite à la craie m'éclaire moins qu'elle m'intrigue.
samedi 14 juillet 2012
Thank You Satan
vendredi 13 juillet 2012
Lily ? Rose ? Marguerite ?
J’ai toujours pensé que la photo de pochette de Rain dogs
de Tom Waits était une mise en scène nous donnant à voir le petit garçon qui se
cachait derrière l’ours à la voix cassée. Jusqu’à ce que je feuillette ce matin le
Café Lehmitz du photographe Anders Petersen : non seulement l’homme sur la
photo n’est pas Tom Waits, mais il n’y a aucune mise en scène (Lily et Rose
étant simplement des habitués du Café où Petersen avait élu domicile).
Mais le plus frappant dans cette découverte, c’est le
contraste entre l’attitude de la jeune femme sur la pochette et celle sur les
deux photos prises un peu plus tôt dans la soirée. Elle n’est pas une bourgeoise
encanaillée accueillant le moineau perdu au creux de son épaule, mais elle-même
un oiseau de nuit mélancolique, et c’est elle qui attrape l’objectif, elle qui
a des choses à dire.
jeudi 12 juillet 2012
Une défaillance du système central de régulation
Une nuit à Athènes, à moins qu’à Istanbul ou Dublin.
Du haut de la colline, la ville se dessine en cubes noirs
sur fond noir, il n’y a plus d’électricité depuis longtemps. On entend quelques
voix au loin, à peine, ou des râles d’animaux, ou plutôt la mer, car les hommes
se taisent, retiennent leur souffle, tentent de reprendre des forces, aiment ou
prient, ou pleurent en attendant le spectacle prochain d’une inhumanité nouvelle.
Le massacre est pour demain à l’aube, personne ne sait à quoi il ressemblera,
mais chacun joue avec le pire que son imagination peut lui offrir.
Le plus haut gradé de ma piteuse compagnie nous briefe :
nous devons évacuer sans attendre, replier pour nous battre plus loin, nous sommes
la dernière chance, et à ce titre, nous sommes sacrés.
J’ignore absolument quelle chance nous sommes et pour
qui, ni ce qu’implique ce caractère sacré, mais je reste à ma place au
milieu des autres soldats. Nous grimpons dans une autochenille
blindée sur laquelle nous fixons deux mitrailleuses supplémentaires au-dessus
de la cabine du conducteur. Un sergent cherche deux hommes pour les actionner, ma main
s’élève par réflexe, mais réalisant mon ignorance, je me ravise aussitôt.
L’officier supérieur reprend la parole : le cargo amarré sur le quai 3 est notre unique issue, il quittera le port sans autorisation dans moins d’une heure sous un déluge de feu qui ne laissera aucune chance aux passagers à découvert, nous devons donc nous enfoncer au plus profond du navire en empruntant la rampe d’accès circulaire destinée au chargement des containers, mais celle-ci étant envahie depuis plusieurs jours par quelques centaines de réfugiés, nous devrons nous frayer un passage parmi eux, quel qu’en soit le prix.
L’officier supérieur reprend la parole : le cargo amarré sur le quai 3 est notre unique issue, il quittera le port sans autorisation dans moins d’une heure sous un déluge de feu qui ne laissera aucune chance aux passagers à découvert, nous devons donc nous enfoncer au plus profond du navire en empruntant la rampe d’accès circulaire destinée au chargement des containers, mais celle-ci étant envahie depuis plusieurs jours par quelques centaines de réfugiés, nous devrons nous frayer un passage parmi eux, quel qu’en soit le prix.
L’autochenille est en marche, et les mitrailleuses
crachent ce qu’elles peuvent. Je pense au nouvel an à Amsterdam et aux
guirlandes de pétards enroulées autour des arbres, je ne pense pas à Strange Fruit
de Billie Holiday, je n’entends pas les cris, je n’entends pas les craquements
d’os sous les chenilles, je suis projeté à l’avant de l’habitacle contre la
paroi, les corps des autres soldats s’agglutinent sur moi, nous descendons
toujours en tourbillonnant, je repense à une fête foraine dans le Var quand
j’avais six ou sept ans, mais je ne vomis pas, je me concentre sur le froid de
la tôle contre ma joue, je ne reconnais plus mes compagnons qui prennent les
uns après les autres les traits d’acteurs américains, Matt Dillon me regarde
comme un enfant perdu, son ventre est ouvert du sternum au pubis dévidant tous
ses organes en chapelet, c’est terrifiant et beau, ça brille d’un blanc
laiteux, bleu profond et carmin par endroit, reflets de céramique, marbrures de
Carrare. Tous mes compagnons éventrés tentent de réunir leurs morceaux, mais
c’est l’intestin de l’un dans la main de l’autre, le foie de l’autre
rangé dans le ventre d’un troisième, je me demande si j’assiste à un rite
initiatique ou à l’expression d’une justice immanente sanctionnant notre trouée
infernale. Je regarde mon corps qui ne s’ouvre pas lui, ou du moins pas encore, autour
de moi les hommes ne crient pas, ils respirent fort dans un même rythme, c’est
tout, ventres béants, bouches closes. Maintenant ça ne tourne plus, ça ne
descend plus, l’autochenille est arrêtée, son moteur s’éteint, la lumière de la
cabine s’éteint à son tour, stop, seuls nos pieds bougent encore, et nos bottes
pataugeant dans l'enchevêtrement de boyaux créent un gargouillis caverneux régulier. Je pense à une berceuse. Perlé
d’une sueur étrangement épaisse, j’attends là.
samedi 7 juillet 2012
Où es-tu, ma tête ?
- Aujourd'hui, je commencerais bien par la fin. On regarderait un truc qui parlerait pour moi.
- Allons-y. C'est vous qui dites.
- ... Vous devriez peut-être partir en vacances.
- D'accord, je fais ça.
- Allons-y. C'est vous qui dites.
- ... Vous devriez peut-être partir en vacances.
- D'accord, je fais ça.
vendredi 6 juillet 2012
jeudi 5 juillet 2012
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