- Pourquoi me dites-vous ça avec une telle emphase ?
- L’ironie, Monsieur. Je me dois bien ça. Car c'est moi que j'admoneste, ne vous méprenez pas.
- Très bien. Poursuivez alors...
- L’inconstance est mon ordinaire : volonté,
renoncement, désir, honte, chaos, peur et témérité, tout ensemble. Et l'incapacité comme comme résultat sinon comme cause. Tout est là. Je constate et j'assume. Mais loin de
moi l’idée de feindre un quelconque contentement, car de contentement il n’est
point ; accepter ses limites n’est pas s’en satisfaire.
- Pourtant, vous ne semblez pas tellement abattu…
- Méfiez-vous de l’ironie, Monsieur.
- J’entends, mais vous avez l’air d’avoir une botte secrète…
- Vous la connaissez, tout le monde la connaît, et elle
n’est pas plus magique que secrète.
- Dites tout de même...
- Comment répondre à la frustration du réel sinon par
l’imaginaire ?
- Oui.
- “Oui” ?
- Je ne dis pas non. L’imaginaire, oui…
- J’entends votre petit ton... Mais qu'avez-vous de mieux à proposer ? La psychanalyse ? La philosophie ? Laissez-moi rire, soyons sérieux. L'imaginaire, oui! Et que la satisfaction n’habite
pas plus les contrées chimériques que la réalité ne suffira pas à me décourager, il faudrait
ajouter l’impotence à la surdité pour renoncer à la quête de la musique
savante.
- Pardon ?
- La musique savante, illumination rimbaldienne.
- Ah, pardon…
- Non, c’est moi.
- Très bien, l’imaginaire et la musique savante, alors.
Mais pourquoi me racontez-vous ça ?
- A un journaliste qui lui demandait pourquoi La soif et la faim, Ionesco
répondit : “Je ne sais pas. Les Hommes ont soif, les Hommes ont
faim. Mais de quoi ?”.
- …
- C’est magnifique, n’est-ce pas ?