Il est à une vingtaine de mètres au-dessus du
sol, depuis plusieurs heures, maintenant. Une rupture de pesanteur. Il n’a même
pas besoin de battre des bras, il caresse l’air du bout des doigts, c’est
suffisant. C’est ici qu’il se retrouve. Là où le monde ne tourne plus, ou si parfaitement
que le mal au cœur s’est exilé sur une autre planète. Et les doutes et les
peurs. Ici, le cœur est on ne peut mieux, à l’aplomb de la tête et du cul. A la
verticale, quoi, pas besoin de faire un dessin. De toute manière, il ne sait
pas dessiner, il écrit mal, et c’est à peine s’il parle, mais pour s’asseoir
sur un axe invisible, nul besoin d’avoir du génie, il suffit de recevoir la grâce (appelez
ça comme vous voudrez, mais le vocabulaire religieux semble le plus indiqué). Il
tire un peu les rideaux car le centre du monde se situe dans une ville ensoleillée :
Perpignan selon Dali, Nazareth si l’on en croit Jésus, mais il opterait plutôt
pour Lisbonne, ou Naples. Tout à l’heure, on ira manger des gnocchi à l’encre
de seiche, ou un vitello tonnato, avec un verre de vin fruité. On est en
week-end, ou en RTT (on ne se retrouve pas comme ça en semaine au milieu d’une
réunion, fut-elle sur l’aménagement du temps de travail), on a le temps, la
respiration peut se poser, le corps peut se recaler. Il règne un silence
inhabituel, et les rares humains que l’on croise sont souriants et doux comme
le temps qu’il fait, on a du mal à croire que tout ça est bien réel. Il cherche
les mots, ne les trouve pas. Il cherche encore. Il est bien. Très bien. Si
bien. Tellement bien. Il abandonne la recherche et s’abandonne.