- Bonjour.
- Bonjour.
- C'est curieux parfois
comme on pense avoir des choses à dire à un instant donné, et comme tout a
disparu le temps qu'on ouvre la bouche.
- C'est ce qui
vous arrive, là.
- Oui. Comme
quand on ne parvient pas, au réveil, à tirer le fil du rêve que l'on vient de
quitter. Il est tout proche, mais rien à faire, il reste hors de portée.
- Oui.
- Oui quoi ?
- Oui, je vois.
- Ah. Super.
- Je sais, ça
n'est pas d'un grand secours.
- Je me demande
si c'était plus simple quand on croyait.
- Pardon ?
- Quand la
religion était forte, quand tout le monde était relié par plus ou moins la même
croyance.
- Je ne suis pas
un spécialiste.
- Je sais. Je
pense tout haut, c'est tout.
- Je vous en
prie.
- Chercher tout
seul n'est peut-être pas une solution si formidable. Un autre péché
d'individualisme. C'est présomptueux, non.
- Faire semblant
de croire à une histoire n'est pas une tellement meilleure solution.
- C'est vrai.
- On ne cherche
pas tout seul, on discute, on lit des hommes qui ont cherché avant nous, on
cherche avec eux.
- ...
- Non ?
- Si, si. Mais
par moments, Cioran ça manque de rose.
- De rose ?
- De rêve,
d'anges, d'un salon où l'on déguste des loukoums à la rose, vautré dans des
nuages épais.
- Evidemment.
- Dagerman a
raison, notre besoin de consolation est difficile à rassasier.
- Je suis
dépourvu de foi et ne puis donc être heureux, car un homme qui risque de
craindre que sa vie soit une errance absurde vers une mort certaine ne peut
être heureux. Je n’ai reçu en héritage ni dieu, ni point fixe sur la terre d’où
je puisse attirer l’attention d’un dieu : on ne m’a pas non plus légué la
fureur bien déguisée du sceptique, les ruses de Sioux du rationaliste ou la
candeur ardente de l’athée. Je n’ose donc jeter la pierre ni à celle qui croit
en des choses qui ne m’inspirent que le doute, ni à celui qui cultive son doute
comme si celui-ci n’était pas, lui aussi, entouré de ténèbres. Cette pierre
m’atteindrait moi-même car je suis bien certain d’une chose : le besoin de
consolation que connaît l’être humain est impossible à rassasier.
- ... Mais une
fois de temps en temps, une proie tombe à mes pieds.
Vous le
connaissez par coeur ?
- Le début,
seulement, je sais que vous en avez besoin de temps en temps.
- Oh, c'est
tellement gentil.
- On regarde
quelque chose ?
- Vous le
méritez. Ma favorite est Plein été, qui commence à 51 minutes 30, le son est d'une qualité merdique, mais tout est parfait.
Wah² Michel Houellebecq & Bertrand Burgalat from vhsclasx on Vimeo.