Je me souviens du chausson aux pommes après la prise de
sang. Du chausson aux pommes, et du croissant (après une longue nuit à jeun et tout ce sang en moins, forcément…).
Je me souviens que j’adorais ce moment, avec Maman. Comme
une vraie fête.
On s’asseyait dans le salon de thé de la pâtisserie, avenue de Grasse, on
commandait un jus d’orange et un lait chaud et après j’avais mal au cœur, mais
tant pis (“... si, si, tu es en manque de vitamines, mon chéri.”).
C’était tellement chic.
C’était différent surtout, pas comme les autres jours. Et je crois que sans le
savoir, c’est pour ça que j’aimais autant la petite aventure de la prise de
sang. Pas tant pour la formidable dose d’autosatisfaction apportée par mon
comportement héroïque face à l’aiguille que pour ce petit-déjeuner dehors et son
croissant au beurre du jour à la place du pain ordinaire de la veille.
Ce matin, en sortant de ma prise de sang, je me suis souvenu de ce plaisir-là. Je suis allé chez “l’ex-Chamignon“ et j’ai commandé un chausson aux pommes et un croissant (pas de lait chaud ni
de jus d’orange, j’ai passé l’âge de vomir) et je me suis assis là, face à l’église. J’ai attendu
le retour de l’émotion en buvant mon café… Mais l'émotion n’est pas revenue. Elles sont bonnes
pourtant, les viennoiseries chez “l’ex-Chamignon”. Mais non, c’était pas
la fête, c'était juste un petit déjeuner. Parce qu'il manquait l'effet du lait au jus d'orange, peut-être... Ou parce qu'aujourd'hui, l'extraordinaire demande une barre un peu plus haute... Ou bien parce que, ce matin, ma maman n’était pas là pour me trouver fort et
beau...