Quand Don McCullin photographie la campagne anglaise, on voit les
soldats qui n’y sont pas ; le ciel est chargé des conflits à
venir ou des incendies passés ; les chemins dessinent le passage
des auto-chenilles et des bataillons isolés ; les trous d’eau masquent tant bien que mal
les cratères d’obus. Et on pense forcément que ces traces de guerre absentes
des paysages sont dans les yeux du photographe, sinon comment les
verrait-on ? Quand Don McCullin photographie les sans-abri de Londres fin
60, ils ont le même regard que ceux des réfugiés des zones de guerre qu’il couvrira
plus tard, le même désespoir et la même incrédulité, le même déracinement. Qui
rappelle qui ? Quoi précède quoi ? Quand Don McCullin photographie Palmyre en 2006, il voit que ces
colonnes auront pris la place de leur ombre quelques années plus tard ; l’homme maîtrise le temps et l’espace ; il sait ce qui va se
passer et quand. Pour choisir calmement exposition et cadre au milieu des
balles, il faut forcément savoir certaines choses extraordinaires. Quand on sort de son expo, évidemment, le ciel d’Arles est en guerre. Don McCullin
est un voyant.