Le plus simple, c’est qu’il
meure. Il n’est pas question de réfléchir, juste d’agir. Nous disposons d'une piscine, n’allons pas plus
loin. Qu’une suffisante quantité d’eau s’introduise dans ses poumons et le tour est joué. C’est bien ainsi qu’on meure noyé, non ? Il est peut-être
aussi question d’hypoxie cérébrale et d’arrêt cardiaque, mais ne chipotons pas,
réglons le problème et puis c’est tout.
Cette piscine est peu
profonde, c’est à considérer. Il a pied sur environ soixante pour cent de la
longueur, n’intervenons pas au hasard, attendons qu’il soit du côté des trois
yuccas en pot, au-delà du mimosa des quatre saisons, celui au pied
duquel le nain a encore laissé traîner son maillot rouge - on se demande d’ailleurs
d’où il tient cette manie de se balader à poil, mais passons, l’heure n’est pas
encore à l’enquête génétique.
Le lieu du crime étant
circonscrit avec suffisamment de précision, définissons maintenant le moment
idéal, car en cette affaire plus qu’en beaucoup d’autres (mise à part la montée
à la volée peut-être) : timing is everything. Ne tournons pas autour du
pot, la fin d’après-midi s’impose sans discussion ; vers dix-huit heures, quand
tout le monde rentre se doucher-changer. D’autant qu’il a pris l’habitude
à ce moment-là de traîner seul au bord de la piscine enfin devenue calme. Il est
sensé, ce type. Disons dix-huit heures trente, donc.
Ah, c’est agréable quand on
avance comme ça. Pas de débat stérile ni d’opposition de principe, seulement une
suite d’évidences, et tout le monde qui marche derrière comme un seul homme. Tu n’as pas toujours été aussi
solidaire, je suis vraiment content de cette nouvelle collaboration, tu sais.
Bien, comment allons-nous procéder pratiquement ? Tu proposes de le
tirer par les chevilles vers le fond… Tu as une apnée bien supérieure à la
sienne… Très bien, c’est toi qui sais. Moi, je peux me tenir au bord pour lui
maintenir la tête dans l’eau si jamais il résiste. “Non, il ne posera pas de
problème, il nage très mal, il n’est pas du tout à l’aise dans l’eau, tu sais
bien.” Oui, je sais bien. Mais j'ai peur de ne plus savoir de qui on parle, soudain.