Le
cartable Concorde est mon deuxième cartable. Le premier était plus petit, en
tissu je crois, de deux bleus différents, jean et bleu franc, avec des catadioptres
orange sur les fermetures. Je le préférais, mais j’imagine qu’il fallait en
changer. Et nous avons choisi celui-là. Je n’aimais pas sa matière
plastico-cuir, et ce marron uni était trop sérieux, petit monsieur, je m’en
rendais compte, mais j’aimais tellement le Concorde, sa finesse, son nez
articulé pour dégager la vision du pilote au décollage et à l’atterrissage, ses
ailes effilées, fuyantes, même à l’arrêt il fonçait comme une fusée. En vol, il
atteignait Mach 2, deux fois la vitesse du son, ça me laissait sans voix, tempête
dans un crâne pour se figurer un avion qui allait deux fois plus vite que son bruit. Le soir, en rentrant de l’école, avant d’ouvrir mon cartable pour
commencer mes devoirs, j’avais toujours un regard pour son Concorde gravé. J’avais
du respect pour ce cartable, il était moderne comme le Concorde. Le temps passe
à Mach 2, au moins.
lundi 31 juillet 2017
dimanche 30 juillet 2017
samedi 29 juillet 2017
vendredi 28 juillet 2017
mardi 25 juillet 2017
dimanche 23 juillet 2017
samedi 22 juillet 2017
vendredi 21 juillet 2017
mardi 18 juillet 2017
lundi 17 juillet 2017
dimanche 9 juillet 2017
samedi 8 juillet 2017
vendredi 7 juillet 2017
jeudi 6 juillet 2017
dimanche 2 juillet 2017
La caravelle et l'abricot
Une caravelle au milieu de l'océan, vingt mille pieds au-dessus ; déconnexion générale, mémoire en veille, agenda vierge, répertoire effacé. Deux jaguars ronronnent. Dans la cabine vide, la température dépasse à peine les vingt degrés ; à l'extérieur le monde s'incurve, aspiré dans le sillage de l'appareil, à moins qu'il ait simplement disparu. C’est là qu’il accède à la conscience, le poing droit délicatement fermé sur quelque chose, mais quoi. Il pense à un œuf qui aurait la texture d’un poussin. Il ouvre sa main, l'abricot qui repose dans sa paume est d'une douceur inouïe, vélin velours, peau de nouveau-né ; sa fraîcheur est surprenante, cœur de la nuit en plein midi, rosée qui ne s'évapore pas. Sa chair est pleine, pulpe gorgée que la maturité n'a pas assouplie, et le fruit musclé frémit sous les doigts comme une mélodie jouée à l'extrémité orientale d'un piano - là où les cordent vibrent en tension maximale.
samedi 1 juillet 2017
Tout est bien rangé
Sur la première vue, on
aperçoit immédiatement deux voitures rouges garées l’une derrière l’autre, entre
deux voitures bleues et trois blanches ; deux piscines, l’une du côté
gauche de la route, bleu Klein, près de laquelle deux personnes cuisent sur un
drap rose, et l’autre aux reflets bleu ciel, sur un toit d’immeuble, jalonnée
de transats désertés ; parfaitement alignés, des arbres d’un vert presque
fluorescent peinent à créer de l’ombre, il est midi, à une vingtaine de minutes
près. Au pied de l’immeuble gris Lego, dans l’allée qui longe la pelouse à
moitié brûlée par le soleil (on doit être à la fin du printemps), un homme est
figé dans une position de course, impossible de dire s’il rejoint une amoureuse
hors champ ou si ses pieds nus souffrent de la température élevée du sol. De l’autre
côté de l’immeuble, on distingue une silhouette assise sur un banc, au niveau des
bacs poubelles aux couvercles jaune, vert et bleu curieusement situés au centre
de l’espace deux-roues. En s’attardant encore un peu, on note des arceaux où sont
accrochés quelques vélos, dans l’axe du toit de la station-service Cepsa qui
fait inévitablement penser à un empennage de flèche, et en bas de l’image, au
centre, un chiffre 1 peint sur la chaussée, et c’est à peu près tout.
Sur la deuxième vue, qui
fait voir plus loin au-delà de l’immeuble déjà présent dans la première image,
l’impression demeure - même si la perspective apporte un peu plus de réalité - la ville
vue du vingt-quatrième étage a des airs de maquette où les choses et les gens
restent sagement là où on les a placés. Tout est bien rangé, au carré, dans
l’ordre, sentiment de maîtrise totale, sérénité, pour un peu, on s’ennuierait.
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