Le
cartable Concorde est mon deuxième cartable. Le premier était plus petit, en
tissu je crois, de deux bleus différents, jean et bleu franc, avec des catadioptres
orange sur les fermetures. Je le préférais, mais j’imagine qu’il fallait en
changer. Et nous avons choisi celui-là. Je n’aimais pas sa matière
plastico-cuir, et ce marron uni était trop sérieux, petit monsieur, je m’en
rendais compte, mais j’aimais tellement le Concorde, sa finesse, son nez
articulé pour dégager la vision du pilote au décollage et à l’atterrissage, ses
ailes effilées, fuyantes, même à l’arrêt il fonçait comme une fusée. En vol, il
atteignait Mach 2, deux fois la vitesse du son, ça me laissait sans voix, tempête
dans un crâne pour se figurer un avion qui allait deux fois plus vite que son bruit. Le soir, en rentrant de l’école, avant d’ouvrir mon cartable pour
commencer mes devoirs, j’avais toujours un regard pour son Concorde gravé. J’avais
du respect pour ce cartable, il était moderne comme le Concorde. Le temps passe
à Mach 2, au moins.