mardi 19 novembre 2019

Parce que

- Bonsoir.
- Bonsoir Monsieur.
- Oh, c'est bas. Ca fait longtemps d'accord, mais ce "Monsieur" n'était pas nécessaire.
- On a perdu le sens de l'humour ?
- "On" ne l'a jamais eu.
- D'accord, j'arrête. Qu'est-ce qui vous amène ? Ramène, devrais-je dire.
- Amen. 
- ...
- C'était de l'humour. Vous voyez, ça ne marche pas. J'ai pensé à venir vous voir - revenir vous revoir - en visitant l'expo Hans Hartung au musée d'art moderne.
- Ah bon.
- Oui.
- Hans Hartung vous fait penser à moi ?
- Oui, en quelque sorte. Le vert et l'orange, dans sa jeunesse. Le bleu plus tard. Ce sont précisément mes couleurs. Et je ne sais pas l'expliquer, mais les masses, les à-plats doux et les traits violents, les balayages verticaux, les vides... me touchent fort.
- C'est un peu froid, non ?
- Non, pas du tout. C'est de l'hyper sensualité retenue. Et encore, ça explose souvent. De plus en plus, avec le temps. Mais la puissance est là, depuis le début. L'effroi, et le mouvement pourtant. Ca caresse, ça érafle, et ça projette.
- ...
- Pardon. Ce que je dis n'a pas d'intérêt.
- Si, si.
- Le "si, si" c'est terrible. Pire que le "c'est bien, ça" de Sarraute.
- Oh là, tout de suite les grands mots... Non, je vous écoutais. C'est vous qui vous vexez.
- C'est possible.
- Continuez.
- Non, je reviendrai. C'est déjà pas mal, pour un retour.
- On regarde quelque chose ?
- Oui, on écoute surtout. C'est une chanson de Charles Aznavour, mais la retenue du peintre lui donne une autre profondeur.