lundi 27 avril 2020

Pangolin Blues

these old worn out words
I miss you so much
worn out by others
worn out by ourselves
hardwearing words
like this very first day
enlightened by lightning
exploding life
down in the street
up in the dungeon
brakes are broken
won't stop the train
bats and pangolins can't do nothing
neither conjugal residency assignment
telework, family, homeland
comforting obscenity
you have to choose
love or society
these old worn out words
I miss you so much
I miss you so much

Ta main - 86

Jour 42 - Passage pluvieux

vendredi 17 avril 2020

Ces petits luxes

- Bonjour.
- Bonjour.
- Je ne suis pas un admirateur de Christophe - Comm'si la terre penchait est le seul album que je peux écouter presque en entier - pourtant sa mort m'attriste, plus que je ne m'y serais attendu.
- C'est étrange, ce rapport qu'on a avec la disparition des gens célèbres, qui faisaient partie de nos vies sans qu'on les connaisse réellement.
 - Oui. Je ne sais quels fils sont accrochés à ses chansons, à ses interviews, ou plus certainement au son de sa voix, et à quoi ils sont reliés...
- Les paradis perdus...
- Oui, c'est ça, cette image idiote d'une planète qui s'éteint, un monde fait de nuits éveillées, de recherche du micro parfait, de la réverb idéale, de temps qui passe sans éteindre la curiosité, de singularité, d'indétermination, de beauté...
- Qui est toujours bizarre.
- Oui.
- Vous l'avez rencontré, une fois.
- Oui, brièvement, à la brasserie Wepler. Il était à une table où tout le monde restait très silencieux. Nous, on venait d'enregistrer une maquette, on était un peu excités. Je me suis levé, pour aller lui dire que j'écoutais Ces petits luxes, en boucle - ce qui était vrai. Il m'a dit de m'asseoir, on a parlé un peu, j'ai sûrement dit des bêtises, et lui moins, même si ce n'est pas si certain. Avant de partir, il est venu signer le cd sur lequel on avait gravé notre titre du soir. On était drôlement heureux. Et fiers. Et il m'a écrit son adresse sur une feuille de petit carnet.
- Et il vous a écrit son adresse ?
- Oui.
- On écoute Ces petits luxes alors.
- Oui.


Jour 32

jeudi 16 avril 2020

Celle-là

On n'avait rien connu de tel, rien d'autre que les événements de nos vies, amours, naissances, fêtes, deuils, chacun, chacune, quelques attentats, une coupe du monde ou deux. On n'avait rien connu qui nous dépasse à ce point, pas de guerre, à la baïonnette ou nucléaire, ni famine, cataclysme, tremblement de terre, déluge. 
Un truc qui nous rabaisse notre caquet, qui nous renvoie avant google, contre lequel notre meilleure défense est de nous terrer dans nos grottes, à l'intérieur de nous-mêmes, où l'on trouve peu de pépites, quelques gouffres, plus souvent notre ordinaire, mais le nôtre, un peu plus au moins que quand on courait devant soi. Sans même y penser, on est là. Alors on se perd, tranquillement ou pas, mais autrement. On se perd beaucoup plus profondément quand on ne peut plus s'éloigner. Et quelle surprise d'être arrêté. Ce n'était tellement pas le plan. C'était tout simplement impossible. Plusieurs semaines arrêtés pourtant, suffisamment déjà pour découvrir que nos pensées évoluent de l'une sur l'autre, que certaines idées se confirment quand d'autres s'évaporent ; pour s'assurer que ce qui nous manque nous manque cruellement, et que ce n'est pas un ce, mais un qui, même si manquent aussi l'espace et la liberté, mais pour quoi en faire, sinon pour y retrouver l'autre, celui-là.

Ta main - 80



Jour 31 - Matin, soir

dimanche 12 avril 2020

Etre

- Bonjour, bonjour.
- Bonjour.
- Je suis vieux, je viens d'en avoir la confirmation.
- Et ça vous réjouit ?
- Oui, ça va. Je m'en doutais un peu, je me sentais plus léger depuis quelque temps.
- ...
- Oui, je n'ai plus à trouver ma femme, faire des enfants avec, trouver un métier, une place dans la société...
- Ah, vous avez moins de choix à faire...
- Pas seulement des choix, il y a des rôles qui ont carrément disparus. Je n'ai plus à être un mari, par exemple, ça allège beaucoup, ça. Je suis encore un père, mais beaucoup moins dans l'élevage, nous cohabitons agréablement, plutôt. Et je subis nettement moins la société, surtout, parce que j'ai certainement moins besoin d'en faire partie.
- Par lassitude, ou parce que vous avez moins besoin de reconnaissance ?
- Je ne sais pas, les deux peut-être, ou autre chose. En fait, ce que je ressens depuis un moment, c'est que je me soucie simplement d'être, et plus d'être ceci ou cela. J'ai moins besoin de répondre à des attentes.
- Qui vous attendait ?
- Personne, moi seulement, certainement.
- Et vous vous attendez moins ?
- Oui, j'attends plus, tout court, comme je vous le disais avant-hier.
- Et, donc, vous êtes vieux.
- Oui, je disais "vieux" parce que je viens de revoir un entretien de l'abécédaire de Gilles Deleuze, dans lequel il décrit la vieillesse exactement comme ça, le temps d'être. Et on le voit tout goguenard d'être installé dans la vieillesse, libre de lire et d'écrire, de ne plus répondre aux sollicitations...
- Ah oui ! C'est là où il distingue la vieillesse de la misère et de la douleur.
- Oui, c'est ça. C'est vrai, vous l'avez vu aussi...
- Ces entretiens sont plus tardifs, mais j'aime beaucoup sa tête et son allure dans les années 70. Les pattes et les cheveux longs, les pulls en laine rêche... C'est curieux à dire, mais cette époque, que j'ai à peine connue, me manque.
- Vous êtes vieux, vous aussi.
- Oui, quelle chance !
- Puisque vous aimez ces années-là, je vous propose une merveille. La vidéo dure plus d'une heure, mais je peux la faire tourner en boucle. Si ça vous plaît, jetez-vous sur l'album Agharta, régal absolu
- Allez, allez, on s'installe.

Jour 27



vendredi 10 avril 2020

Ta main - 76 (anachronique)

Hell's bells

- Bonjour.
- Bonjour.
- Il y avait de la lumière, alors...
- Quelle lumière ? Ah, dehors...
- Oui, c'est fou ce soleil. Une fin mars et un début avril de rêve.
- Et, donc, vous vous êtes dit "je vais passer le voir".
- Exactement. Je ne sais pas exactement à quoi je pense, alors...
- Alors vous venez en parler.
- Bah oui. Je pense que ça a à voir avec l'attente.
- Ca se pourrait.
- Oui, qu'attend-on ? Seulement la fin de l'attente ou bien autre chose ? Un autre monde, une autre vie...
- Oui, la fin d'une attente n'est pas une fin en soi, on attend toujours quelque chose, et plus on attend, plus ce qu'on attend doit en valoir la peine.
- C'est ça. En valoir la peine, ou justifier l'attente. Ce n'est pas absolument rationnel, bien sûr. Concrètement, cette attente est la participation individuelle à un effort collectif qui vise à permettre la prise en charge d'un nombre de malades exceptionnellement élevé. Mais...
- Mais on ne peut pas demander à sa tête de s'en tenir là.
- Bah oui.
- C'est d'ailleurs assez étonnant comme on ne sait pas où vont aller nos pensées d'une semaine à l'autre, pour ne pas dire moins.
- Ah, vous aussi ?
- Oui, cette période rend humble. On voit bien qu'on comprend lentement, ce qui se passe, les conséquences, ... Et que nos pensées évoluent.
- C'est ça. Et ce qui se précise, à mesure que l'incertitude grandit, c'est le besoin d'espoir.
- Malgré la crise qui s'annonce, ou justement parce qu'elle s'annonce. Worse comes to worst.
- Oh là, en anglais s'il vous plait !
- Ne vous moquez pas, c'est une vieille chanson de Billy Joël, je crois... Ca m'est revenu comme ça.
- Ah oui, dans Piano Man. J'ai connu une longue période de confinement avec Billy Joël...
- Personne n'est parfait.
- C'est une autre chanson ?
- Oh, ça va. Et donc, vous vous dites quoi ?
- Que plus j'attends, plus j'attends, oui. Sans naïveté. Mais cette calamité est peut-être une opportunité.
- Pas pour tout le monde.
- Non, certainement pas pour tout le monde. Mais ce monde n'était pas non plus un paradis pour tout le monde, avant cette crise.
- Au moins, on ne peut plus dire qu'on est obligé de continuer comme ça, puisqu'on est à l'arrêt.
- C'est vrai. Cette attente demande un espoir à sa mesure.
- Une révolution ? Comme vous y allez...
- Une révolution, oui, c'est une idée. Sinon, on peut juste écouter quelque chose, si vous préférez. Comme d'habitude. Comme avant.
- Oui, je veux bien. Ca me rassurerait, je crois.
- Faisons ça, alors. A fond.

Jour 25