dimanche 2 juillet 2017

La caravelle et l'abricot


Une caravelle au milieu de l'océan, vingt mille pieds au-dessus ; déconnexion générale, mémoire en veille, agenda vierge, répertoire effacé. Deux jaguars ronronnent. Dans la cabine vide, la température dépasse à peine les vingt degrés ; à l'extérieur le monde s'incurve, aspiré dans le sillage de l'appareil, à moins qu'il ait simplement disparu. C’est là qu’il accède à la conscience, le poing droit délicatement fermé sur quelque chose, mais quoi. Il pense à un œuf qui aurait la texture d’un poussin. Il ouvre sa main, l'abricot qui repose dans sa paume est d'une douceur inouïe, vélin velours, peau de nouveau-né ; sa fraîcheur est surprenante, cœur de la nuit en plein midi, rosée qui ne s'évapore pas. Sa chair est pleine, pulpe gorgée que la maturité n'a pas assouplie, et le fruit musclé frémit sous les doigts comme une mélodie jouée à l'extrémité orientale d'un piano - là où les cordent vibrent en tension maximale.