dimanche 16 septembre 2012

Et il parle

Le garçon est à peine un homme qu'il a déjà deux voix. Il mue, se révélant traître à lui-même, aux oreilles de tous. On s'épargnera donc dès lors de compter ses paroles. Même s'il essaya sincèrement, y mettant alors tout son cœur, une fois au moins. Et j'en ai connu qui persévérèrent, mais laissons-là ces originaux et suivons celui-ci car il est l'ordinaire, le mammifère bavard sur deux pattes modèle standard, celui qu'il nous faut, ne chipotons pas. Et donc, aussi normal qu'il fut, quand il retrouva ses esprits, dès la première fois, il sut. Que le désir comblé en appelait de différents, et la cruauté du temps, et tout un tas d'autres choses inutiles à dire. Il saisit le tout d'un coup. Et le monde s'est ouvert, mais dedans, grande crevasse, d'un coup de pic à glace de la glotte au scrotum. Et il a poussé un cri, de sa voix d'enfant retrouvée pour un instant. Comme les autres avant lui.
Depuis, il avance, timide le plus souvent, hardi parfois, calme ou impatient, mais la peine toujours mêlée à la joie, à chaque pas, écrivant la fin au début, n'oubliant jamais avoir dit deux fois "cette fois, c'est différent". Et pourtant, il parle encore. De la voix qu'il croit sienne. Le vieux Werther.