mercredi 3 octobre 2012

Grizzlis

Les feuilles commencent à tomber, les ours vont derrière leur bouclier. Il sera bien temps d'hiberner. Ils ne tremblent pas, ils trébuchent, se cognent, en font presque une danse. 
Sur le chemin, ils font le compte des jours perdus, ils ne peuvent pas s'en empêcher. Les amours mortes se ramassent à la pelle, c'est ce qu'ils racontent sans y croire vraiment, car toujours le feu sous la cendre, après, longtemps. Ils le sentent sous leurs pieds, demain comme hier. Et sous le pont, ils parlent tous en rond, ils jouent de la guitare, ils conjurent, ils tentent. Ils sont déjà venus une autre fois, ils connaissent l'endroit. Déjà encore. Ils pourraient se résigner, mais ils ne savent pas. Ils ne savent pas grand chose, en vérité. Est-ce une chasse ou une cueillette ? Si seulement ils savaient faire un feu... Ils vont derrière leur bouclier. Et le sens est dur à trouver. Ils avancent dans la toundra, les bras tendus, récitant des mantra. Par delà le bien et le mal, s'estimant heureux le plus souvent. Et bientôt perdus. A la fin, forcément, mais depuis le début. Alors ils lèvent les yeux au ciel pour rendre le regard, car d’autre ils n’attendent rien. Ou bien si, car ils n’oublieront pas la morsure, le soleil blanc et le sang. Alors ils vont derrière leur bouclier. Ils sortent du bois, franchissent le seuil, à la rencontre encore une fois. Et je crois bien qu’ils chantent.