lundi 23 mars 2020

Entre 22H25 et 22H40

Une semaine. Que nous sommes dans cette si curieuse situation. De guerre, comme a dit le Président, qui fait ce qu'il peut, et qu'on a connu plus arrogant. Comme notre Premier Ministre, qu'on a connu plus en forme, au regard moins inquiet, et a la barbe moins blanche. C'est dire. Car ces hommes ne sont pas des mauviettes. Ils réagissent, comme ils peuvent, avec intelligence, et avec coeur, autant qu'ils peuvent, il n'y a pas à en douter. Avec leur limites, aussi. Humains, forcément humains. Pas si différents des autres.
Une semaine que je n'ai pas dix minutes à moi avant 22h et quelques. Edouard et Emmanuel ricanent, ils peuvent, mais ça me pèse, et j'ai le droit de le dire, je ne réquisitionne pas le journal de 20h de TF1, non plus - TF1 qui réclame une connexion avec mot de passe, sur ordinateur, pour pouvoir écouter notre Premier Ministre, quelle pitié, quel n'importe quoi.
Une semaine qu'on nous bassine avec l'ennui qui devrait nous assaillir, qu'on nous abreuve en recettes de cuisine, en activités à faire en famille. 
Qu'on me laisse parler à ma fille, lire une page du livre qui prend la poussière à la tête de mon lit, et ça ira. L'ennui n'est pas le sujet. 
Ca va certainement finir par se calmer. Là, les entreprises (du moins, certaines) ont besoin de conseil en communication, ou d'exécutants en communication. Tout de suite. Aujourd'hui. Parce que demain, tout aura changé. On parle bien de dimanche et de lundi, oui. Ce n'est pas faux, personne ne sait tout à fait de quoi demain sera fait. On pourrait se taire, aussi, mais ça fait encore plus peur. Est-ce que je me tais, moi ? Non, mais je n'achète pas non plus d'espace publicitaire avant le 20h de TF1, ni après.
J'aime ce rendez-vous de 20h, à la fenêtre, avec les mêmes voisins, de plus en plus chaleureux et bruyants, et sympathiques, et graves, et proches. Pas plus nombreux. C'est étonnant comme tout le monde ne réagit pas de la même façon, c'est certainement mieux comme ça. Pourtant, on ne peut s'empêcher de penser à d'autres guerres, à d'autres temps, passés ou à venir. Comment se comporteraient ceux qui ne saluent plus, qui vident les rayons des supermarchés, ou qui gardent leur fenêtre close à 20h, si les temps étaient pires ? On ne sait pas, ne généralisons pas. Oui, d'accord. Ok. Mais... Je me tais, je me tais. J'aimerais penser à ce moment. Réfléchir à ces émotions si diverses qui se succèdent du matin au soir, ces réelles compassions et ces éblouissements devant ces inattendus couchers de soleil flamboyants de mars. Paris est moins polluée, ou c'est un hasard ? 
C'est fou le temps que ça prend de faire le ménage et deux repas par jour. C'est vrai que c'est un métier à plein temps, femme au foyer. Vous avez remarqué, on ne parle plus de Polanski, cette épidémie arrange un paquet de monde, quand même, et loin de moi l'idée d'y voir le moindre complot, le malheur des uns a toujours fait le bonheur des autres, ne cherchons pas la justice, la nature est aveugle et cruelle comme le covid-19, voilà tout, on peut relire Nietzche ou qui on voudra, dès que les entreprises qui ont besoin de communiquer nous en laisseront le temps, c'est comme ça et c'est tout. On voit quelques mêmes assez réussis sur les réseaux sociaux, comme ce Vierzon avant/après, où les rues sont uniformément désertes. On sourit. Pendant que des gens meurent. Oh, des gens meurent tous les jours, avec ou sans corona virus. Un tout petit peu moins sans, certainement. Mais on y pense davantage, et c'est peut-être une bonne chose. C'est toujours une bonne chose de penser. Autrement. J'aurais besoin de faire une pause, je parlerais moins pour ne rien dire. J'écris sans réfléchir, c'est une fuite, un moyen paradoxal de reprendre mon souffle, de me retrouver en vous jetant ces mots. Un moyen de vous toucher, de vous dire que vous me manquez. C'est vrai. C'est sûr, ça. Vous me manquez.