mardi 20 décembre 2011

La Musique

- Vous sentez cette histoire de rythme, vous aussi ? 
- Je ne sais pas, vous pensez à quoi ?
- Au rythme. Temps fort, temps faible. La musique. Tension, résolution, et cetera.
- Euh oui... Enfin, je sais pas. Vous voulez dire dans la vie ?
- Oui, dans la vie. C'est mieux... Pas seulement dans la lecture ou dans la musique, mais dans la vie, entre les gens...
- Oui. Oui, je vois.
- Et donc, vous sentez ça, vous aussi ?
- Oui... Evidemment.
- Evidemment, évidemment... C'est pas si évident. On peut expliquer les choses autrement. De façon plus linéaire, de cause à effet, de gauche à droite... Alors que cette histoire de rythme, elle sous entend des cycles. Des retours, des répétitions...
- Des reprises...
- Ah, voilà, vous suivez !
- Oh, ça va...
- Oui, des reprises, donc des cycles, dont on est plus ou moins acteurs, dans la vie. Parce que dans la littérature, ou dans la musique, ou au cinéma, l'auteur décide du rythme, en principe... Mais dans la vie, on subit plus les cycles qu'on les écrit... Enfin, il me semble.
- Et donc...
- Bah, donc, il faut être humble et patient. Parce que, pour qu'il y ait des reprises, il faut qu'il y ait des pauses, ou des temps faibles au moins... Enfin, ce n'est pas parce qu'il y a pause qu'il y a reprise. Parfois, il n'est plus question de rythme...
- Quand l'histoire est finie...
- Par exemple, oui, parfois. Mais on ne sait pas toujours de quoi on parle. Dans la musique indienne, les cycles peuvent durer des centaines de mesures, je crois, alors savoir quand le premier temps de la première mesure va revenir... C'est là que cette idée de patience devient intéressante... Il faut y ajouter un genre de foi, même si le mot est un peu gros, peut-être... A partir de quand attend-on autre chose ? Quand on se refuse à attendre encore et toujours. Et je repense à cette histoire plus triviale d'attente de bus : à partir de combien de temps décide-t-on d'y aller finalement à pied ? Parce que, même si on a attendu le bus trop longtemps, on a tendance à l'attendre encore un peu, puisque, justement, on l'a attendu déjà trop longtemps. Alors très vite, il est trop tard pour ne pas l'attendre un peu plus. Pourtant, si l'attente s'éternise, on finit par y aller à pied. Enfin, je dis "y aller", on peut aussi décider de rentrer chez soi, ou de faire autre chose, finalement...
- C'est là que vous vouliez en venir ? 
- Où ça ? Non. Non, je pensais plutôt que parfois, il vaut mieux aller au cinéma, je veux dire s'occuper. En attendant. Que ça revienne. Je ne sais même pas de quoi je parle... D'ailleurs, on peut peut-être oublier qu'on attendait tout court si l'occupation est suffisamment bonne... 
- En attendant que l'occupation elle-même fasse sentir ses cycles...
- Oui...