mercredi 18 avril 2012

Arlésien

J’aime cette ville plus que de raison. Quand je parcours les quelques kilomètres qui séparent la gare SNCF du quartier de La Roquette, la même paix joyeuse (ou la même excitation sereine) s’invite à chaque fois, quelle que soit mon humeur à la descente du train et peu importent l’heure ou la saison. Je suis de retour là où j’appartiens (qui n’est donc pas là d’où je viens). Alea jacta est, Olé! 
Je pourrais égrener quelques souvenirs, mais un seul, le premier, peut expliquer plus sûrement pourquoi ces rues sont le décor de tant de mes rêves depuis plus de trente ans. 
L’année de mes neuf ans, ma maîtresse de l’école La Ferrage à Cannes décida de nous emmener trois jours à la découverte des vestiges romains de la Provence : Glanum à Saint-Rémy et les arènes d’Arles. Mais si les sites de cette excursion imprimèrent durablement la mémoire du petit garçon que j’étais, ce n’est pas du seul fait de leur intérêt historique, car si j’avais bien abandonné mes parents pour partir à la rencontre de l’histoire et de la géographie, je me souviens avoir découvert en premier lieu que les filles étaient plus désirables dans le car que dans la classe, et surtout qu'une irrépressible envie de les embrasser naissait en moi à proximité des statues, des mosaïques ou mêmes des ruines informes dès lors que ces dernières revêtaient la moindre qualité culturelle. Cette véritable révélation : que la culture au sens large éveillait chez moi une sensualité triviale, je l’ai connue là où sont les Alyscamps, et pas ailleurs.