jeudi 6 octobre 2016

Comme une merde


Il y a des matins comme ça. On ouvre un œil, un seul, parce que l’autre c’est juste impossible, il est du mauvais côté – du côté de la joue écrasée, avec tout le poids du corps en tour de Pise façon Gehry qui pèse dessus. On se demande comment on a pu atterrir dans cette position sans se réveiller, ni se tuer. Je dis atterrir, mais on s’est plus simplement écrasé comme une merde. On venait de haut, on dirait. On pense au paradis perdu, aux anges déchus, parce qu’on a ces mots sous la main. C’est grossier, mais c’est à peu près l’idée. On sent encore la chute. On sent surtout combien on était mieux là-haut qu'en cette basse et déplaisante posture. Je respire, je me concentre et je tente une remontée. Je tire le fil, il faut plonger, ça peut marcher, ça marche parfois. C’est flou, mais ça monte. J’y suis presque, j’arrive au bord de là-haut. J'y suis. Quelqu'un m'attend. Les souvenirs reviennent en puzzle. Je ne suis pas tombé tout seul. On m’a poussé. Quelqu’un en qui j’avais une confiance aveugle. Je ne vois pas son visage. Ma mère ? Non, pas ma mère. Elle attrape ma main. Elle se détourne et la lâche. Et je rechute. Dans le sens normal. Vers le bas, quoi. Et je m’écrase comme une merde, donc. 
Il va falloir finir la journée comme ça. Il n’y a plus qu’à attendre la pluie, ça nettoiera.