mardi 20 septembre 2011

Didier, l'Auto Rouge et l'Animal Absolu


Cette nuit, j'ai mangé Didier et l'Auto Rouge. 
Je ne suis pas tout à fait certain du titre, la couverture n’a pas fait long feu.
En vérité, j'avais déjà mangé Didier et l'Auto Rouge, il y a quelque temps, quand j'avais deux ans. Mais cette nuit, je l'ai partagé avec un ami. 
Mon ami est un animal qui aime les dessus de portes et les peintures idiotes, un renard aux yeux noirs d’encre qui savent rire et pleurer dans un même silence. En revanche, il mange goulûment, en grognant. C’est un animal paradoxal, forcément.
Parfois, il va s'asseoir dans des cinémas à côté d'un inconnu et il imagine très exactement les mêmes choses que moi. C’est là que j’ai dû le rencontrer, ou à la Librairie de Paris. Il lit beaucoup pour un écureuil. C'est un animal très attaché au style. Mais il peut se nourrir à l'occasion de livres qui en manquent, d’ailleurs, il a eu l'air d’apprécier Didier et l'Auto Rouge autant que moi. Je ne lui ai pas demandé, ça se voyait et ce n'était pas l'heure des questions. De toutes façons, il ne sait pas dire peut-être, il parle peu, il dit oui et quelques autres mots merveilleux.
La plupart du temps, il préfère se taire et je le comprends même si ça m'attriste. Certains jours, il fait parler des personnages, ça lui permet de jouer tous les rôles sans en choisir vraiment aucun, c'est son côté humain et c'est souvent très drôle.
Mais comme tous les vrais comiques, il n'est pas que drôle. En bon écureuil blond vénitien, c’est un romantique, un marcheur, qui peut parcourir cent lieues pour voir si son coeur bat plus fort au bord d’un autre chemin. Ce n'est pas malin, mais ça a un certain panache, de tête brûlée. Les écureuils blond vénitien sont une espèce très menacée, à vrai dire il n'en reste qu'un, et c'est un renard. Et il est fragile, évidemment. Pas comme Didier.
Didier enchaîne les tours de circuit au volant de sa magnifique auto rouge, le sourire aux lèvres, sans jamais commettre la moindre erreur. Et, bien sûr, il gagne à chaque fois. C’est une telle perfection, ils sont tellement bons, Didier et l'Auto Rouge, qu’on a été obligé de manger toutes les pages. Et la couverture. Après on a fait la sieste, allongé par terre sur le dos, et on est sorti de l’appartement en marchant au plafond pour que personne ne nous voie. Et c’est encore un matin. Et j'ai faim.