vendredi 12 août 2016

Confusion

Le plus simple, c’est qu’il meure. Il n’est pas question de réfléchir, juste d’agir. Nous disposons d'une piscine, n’allons pas plus loin. Qu’une suffisante quantité d’eau s’introduise dans ses poumons et le tour est joué. C’est bien ainsi qu’on meure noyé, non ? Il est peut-être aussi question d’hypoxie cérébrale et d’arrêt cardiaque, mais ne chipotons pas, réglons le problème et puis c’est tout.
Cette piscine est peu profonde, c’est à considérer. Il a pied sur environ soixante pour cent de la longueur, n’intervenons pas au hasard, attendons qu’il soit du côté des trois yuccas en pot, au-delà du mimosa des quatre saisons, celui au pied duquel le nain a encore laissé traîner son maillot rouge - on se demande d’ailleurs d’où il tient cette manie de se balader à poil, mais passons, l’heure n’est pas encore à l’enquête génétique.
Le lieu du crime étant circonscrit avec suffisamment de précision, définissons maintenant le moment idéal, car en cette affaire plus qu’en beaucoup d’autres (mise à part la montée à la volée peut-être) : timing is everything. Ne tournons pas autour du pot, la fin d’après-midi s’impose sans discussion ; vers dix-huit heures, quand tout le monde rentre se doucher-changer. D’autant qu’il a pris l’habitude à ce moment-là de traîner seul au bord de la piscine enfin devenue calme. Il est sensé, ce type. Disons dix-huit heures trente, donc.
Ah, c’est agréable quand on avance comme ça. Pas de débat stérile ni d’opposition de principe, seulement une suite d’évidences, et tout le monde qui marche derrière comme un seul homme. Tu n’as pas toujours été aussi solidaire, je suis vraiment content de cette nouvelle collaboration, tu sais.
Bien, comment allons-nous procéder pratiquement ? Tu proposes de le tirer par les chevilles vers le fond… Tu as une apnée bien supérieure à la sienne… Très bien, c’est toi qui sais. Moi, je peux me tenir au bord pour lui maintenir la tête dans l’eau si jamais il résiste. “Non, il ne posera pas de problème, il nage très mal, il n’est pas du tout à l’aise dans l’eau, tu sais bien.” Oui, je sais bien. Mais j'ai peur de ne plus savoir de qui on parle, soudain.