lundi 3 octobre 2011

L’Enfance Passée, Les Tigres et Leur Passion


Avant de devenir une fidèle doublette cycliste, Maurice et Marcel se sont illustrés il y a quelques années dans la périlleuse activité du vol de tableau (au singulier, et encore ce ne fut qu’un emprunt). Mais assez de mystères, passons aux faits.
Au début des années 2000, un tableau de Jacques Monory (L’enfance passée, les tigres et leur passion) ornait les murs d’une firme prospère où Maurice et Marcel séjournaient ordinairement (séparément au demeurant) pour gagner leur pitance. Et par une conjonction de facteurs parmi lesquels ma quotidienne présence en ce lieu et les couleurs choisies par l’artiste, j’avais fini par prendre ce tableau en horreur. Il faut dire que celui-ci était accroché dans le couloir exactement dans l’axe de la porte ouverte de mon bureau (et travailler porte fermée n’a jamais été une éventualité). Après avoir demandé en vain son accrochage sur un autre mur (qui étaient fort nombreux dans cette immense firme), puis avoir signifié ma lassitude en le recouvrant d’un portrait de René Monory l’ancien Président du Sénat (geste très mal reçu par les autorités de la firme), je décidais, avec l’aide de mon ami Marcel Berthet, de faire disparaître "L'enfance, les tigres et leur passion". Le lendemain, le (Jacques) Monory avait laissé place à une sorte de Malevitch virtuel, le mur laissant apparaître un caractéristique rectangle blanc sur fond blanc sale de l’après décrochage. Le bruit fût important (à la hauteur de l’œuvre). Et le nombre de mails faussement dénonciateurs ou dont les auteurs prétendaient avoir retrouvé la trace du tableau, simplement prodigieux. Bien entendu, on me soupçonna, mais la présomption d’innocence est chose sacrée en notre pays, même au sein d’une multinationale américaine. Et Maurice et Marcel savent donner le change à qui les regarde vite. La passion quelque peu retombée, les deux compères firent parvenir une photo de l’œuvre accompagnée d’un quotidien du jour et d’un billet notifiant que le tableau serait rendu à condition qu’il soit mis au coffre sans attendre le jour même de sa récupération (sa présente disparition démontrant qu’il était plus que souhaitable de tenir à l’avenir un pareil trésor en lieu sûr). Après avoir proféré quelques menaces et dépêché la police nationale sur place pour intimider les voleurs présumés, et ces deux initiatives malheureuses n’ayant produit aucun résultat, les autorités compétentes de la firme finirent par obtempérer aux légitimes revendications du commando (avec néanmoins un bémol sur le critère de l’humour). Mais “L’enfance passée, les tigres et leur passion” rejoignirent la cave de la firme et votre serviteur hérita en lieu et place d’un Robert Combas impossible qui l’incita à trouver rapidement du travail ailleurs. Bref.
Cette anecdote pour vous expliquer mon bonheur particulier de croiser, samedi soir par hasard, Jacques Monory en personne assistant à la projection de son film EX dans le cadre de la Nuit Blanche. Malgré l’envie sincère de m’excuser pour mon forfait passé (et les sentiments nourris alors pour son oeuvre), je n’osai aborder l’homme et me contentai d’immortaliser l’artiste.