lundi 18 juillet 2016

Don McCullin est un voyant

Quand Don McCullin photographie la campagne anglaise, on voit les soldats qui n’y sont pas ; le ciel est chargé des conflits à venir ou des incendies passés ; les chemins dessinent le passage des auto-chenilles et des bataillons isolés ; les trous d’eau masquent tant bien que mal les cratères d’obus. Et on pense forcément que ces traces de guerre absentes des paysages sont dans les yeux du photographe, sinon comment les verrait-on ? Quand Don McCullin photographie les sans-abri de Londres fin 60, ils ont le même regard que ceux des réfugiés des zones de guerre qu’il couvrira plus tard, le même désespoir et la même incrédulité, le même déracinement. Qui rappelle qui ? Quoi précède quoi ? Quand Don McCullin photographie Palmyre en 2006, il voit que ces colonnes auront pris la place de leur ombre quelques années plus tard ; l’homme maîtrise le temps et l’espace ; il sait ce qui va se passer et quand. Pour choisir calmement exposition et cadre au milieu des balles, il faut forcément savoir certaines choses extraordinaires. Quand on sort de son expo, évidemment, le ciel d’Arles est en guerre. Don McCullin est un voyant.