- Bonjour
- Bonjour. Vous êtes toujours en colère ?
- Bah oui. Vous avez une info à me donner pour que ça
change ?
- Euh, il a fait beau deux trois jours...
- Mmh, super.
- Mais ça n’a pas duré, non.
- Non.
- Qu’est-ce qui vous amène ?
- Je me disais qu’on passe beaucoup de temps à craindre la mort, et quand
on trouve quelques astuces assez convaincantes pour en avoir un peu moins peur,
notre angoisse se déplace aussitôt ailleurs et c’est pire. Même si c’est peut-être
mieux.
- C’est pas clair clair votre affaire…
- Oui, je précise. Vous connaissez les mots d’Epicure “Aussi
longtemps que je suis là, elle n’y est pas, et quand elle est là, je n’y suis
plus“ ?
- Oui.
- Oui, eh bien je me disais que ne plus être là, c’est ça la souffrance,
c’est entrer dans le néant. Mais on ne peut pas entrer dans le néant, puisqu’on
ne peut pas être dans le néant, donc on ne peut pas y souffrir…
- Oui, c’est pas faux, mais c’est un peu l’idée d’Epicure justement.
- Sûrement, mais ce n’est pas mon point. Aussitôt je me dis que si la mort
est moins un sujet, c’est de ne pas savoir vivre qui en devient un
plus grave. Mécaniquement. Et ça m’angoisse. Même si la mort reste quand même un sujet…
- Oui, quand même…
- Bah oui.
- Qu’est-ce qui vous paralyse le moins, la peur de la mort ou la peur de
ne pas savoir vivre ?
- Difficile à dire… La première diminue peut-être un peu mais comme l’une
s’ajoute à l’autre… Et j’ai bien peur de ne pas pouvoir choisir.
- Bien sûr, mais commencez par prioriser. Si la mort vous fait moins peur, pensez-y
plus souvent, ça vous évitera de trop vous angoisser de ne pas savoir quoi
faire de la vie.
- Donc, pour vivre mieux, je dois penser plus à la mort, vous
croyez ?
- C’est discutable, je vous l’accorde.
- C’est discutable, je vous l’accorde.
- Disons que c'est assez noir comme perspective.
- On a un truc à regarder ?
- Bien sûr. Un truc festif.