dimanche 3 juillet 2016

Jamais de beau temps dans ce pauvre paysa-ageu

- Michel Rocard est mort.
- Oui.
- J’aimais beaucoup ce Monsieur.
- Oui.
- Sa pensée me faisait du bien, c’était toujours éclairant. Et intègre autant que je pouvais en juger. Savoir que quelqu’un réfléchit bien, c’est rassurant, non ?
- Si.
- Ca ne vous fait rien, vous, qu’il ait disparu ?
- Si, si. Mais il était assez âgé…
- Oui, on est tous mortel, je suis au courant. Mais certains départs nous laissent plus seul que d’autres. 
- C'est vrai.
- Vous vous souvenez de la phrase de Desproges ? "Le jour de la mort de Brassens, j’ai pleuré comme un môme, alors que le jour de la mort de Tino Rossi, j’ai repris deux fois des moules."
- Je croyais que les moules c’était pour la mort de Rika Zaraï…
- Non, il me semble bien que c’était Tino Rossi… Rika Zaraï, c’était une histoire de boudin oriental…
- Ah oui, peut-être…
- En tous cas, je voulais dire que pour moi c'est plutôt très Brassens que Michel Rocard soit mort. Les gens qui disparaissent, le temps qui passe... Oui, je sais, c’est atrocement banal.
- Ca vous fait du bien de le dire ?
- Quoi ? Que c’est banal ?
- Non, que cette disparition vous attriste.
- Je sais pas si ça me fait du bien…
- A quoi vous pensez ?
- … Et puis, Michael Cimino. Tous ces titres nuls qui disent qu'il a passé la porte du paradis... Alors que c’est magnifique La porte du paradis, c’est un autre Badlands, c'est l'Amérique, violente, romantique, désespérée... Et Voyage au bout de l’enfer, c’est inoubliable, même si c’est un horrible titre, cette référence ratée à Céline. Alors que le titre original était parfait.
- Vous êtes en colère ?
- Bah oui, évidemment. Pas vous ?
- Bah...
- "Bah…" Vous n'êtes pas triste, vous n'êtes pas en colère, vous m'écoutez m'énerver et vous ne dites rien. Vous n’avez rien à me dire, vous ?
- C'est vous qui parlez. C'est comme ça.
- "C'est comme ça..." Pfff... Vous êtes vraiment désespérant.
- On regarde quand même quelque chose ?
- La chanson la plus bluesy que je connaisse, alors. Je l'ai apprise à la maternelle et je l'ai jamais oubliée. Et il y a une version de Brassens avec Nana Mouskouri sur youtube. C'est pas Rika Zaraï, mais c'est pas mal non plus.