dimanche 10 juillet 2016

La capsule


Ses poumons avaient grandi. Et peut-être son sexe aussi, mais c’était moins sûr. Sa cage thoracique s’ouvrait comme les deux battants d’une fenêtre et son diaphragme voletait comme un papillon. Il songea à une vie sous-marine, intra-utérine, un temps d’avant la mémoire. Il était présent là maintenant comme alors, entièrement. Les dimensions réduites de la capsule l’apaisaient. Il ne souffrait d’aucune claustrophobie, au contraire, il flottait sans contrainte dans l’espace infini, la capsule faisant office de nouvelle enveloppe dont les hublots remplaçaient avantageusement ses lunettes. Il souriait sans y penser, le regard perdu dans le noir. Il ne manquait rien. Rien ne manquait. C'était donc là qu'il fallait vivre. Il espéra un bug millénaire, une rupture de faisceau qui interdirait tout retour. Tout était si doux ici, si rond. Le silence vous embrassait derrière l’oreille et l’atmosphère vous caressait comme une mère. Il s’endormit. A son réveil il survolait des forêts de conifères en feu, puis des déserts ocre, et des mers et des glaciers et des étendues gazeuses indéfinies, des surfaces indescriptibles et des couleurs inconnues, et la nuit et le jour si ça voulait encore dire quelque chose. Il dériva des siècles et la capsule atterrit au sommet d’une colline. On aurait juré l’Auvergne dans le futur, ou Paris au XIXe siècle. Mais peu importe, que ce soit ici ou ailleurs, hier ou demain, on atterrit toujours au présent, c’est la conjugaison qui veut ça. La capsule est sur le flanc, immobile. Il respire profondément, il reste là.