mardi 3 mai 2011

Do et le Fusible

C’était bien avant Do…

La première fois, j’avais 7 ans. 
Luc reposait au fond de sa cage, le cou tordu, les yeux dans la sciure. 
J’ai tout de suite pensé au poids qu’il allait peser dans ma main et à ses petits os et à sa chaleur ou pas.
C’est ma mère qui a proposé de l’enterrer au bout du parking, derrière les mimosas. 
Dans une boîte en carton, c’est plus propre. 
Mais j’ai préféré sans. Je sais pas pourquoi, la boîte, je trouvais ça con. Et pas courageux. 

C’est au bout du parking que j’ai découvert le fusible.
Pas tout de suite. 
D’abord le goût gris dans la bouche, les jambes qui s’échappent, l’envie de gerber et la gerbe aussitôt, entre deux voitures, et mes phalanges qui serrent un peu plus fort ses petits côtes à chaque spasme. Se relever, résister au vertige, respirer. Et dans l’appel d’air, sans avoir rien demandé, recevoir l’évidence fulgurante du départ de tous et de chacun sans prévenir d’un moment à l’autre, dans une déferlante qui engloutit la Croix des Gardes, l’impasse des Cigales, la cité entière et toutes les voitures du parking, une vague de ciment qui se fige et qui va m’étouffer, maintenant. Et. C’est là que le fusible est apparu. Un fusible flambant neuf, entre mes yeux, à l’intérieur.
Il suffisait d’appuyer, j’appuyais. 
Et les mains ne tremblaient plus, et les gestes étaient sûrs et la pensée claire et la vague au loin et Luc dans son trou. Les larmes pouvaient couler. Chaque chose était à sa place. Et aucune. Mais désormais les départs pouvaient arriver, je savais où était le fusible, ce serait un peu plus facile d’être un homme.