mardi 31 mai 2011

Ma Vie Avec Vanessa Paradis

Je suis Tom Waits.
Mon nom est Thomas Alan Waits, mais Jim m’appelle Tom.
J’aime bien travailler avec Jim Jarmusch. Les scènes s’enchaînent sans montage, nous tournons le film entier en plan séquence. Quand on connaît correctement son texte, ça n’a rien d’extraordinaire, c’est une simple question de disponibilité et d’envie. Même si je dois reconnaître qu’à l’instant où je vous parle, l’envie commence à me manquer. Ce n’est pas habituel chez moi, mais c’est à cause des trois Européens. Il y a maintenant plus de vingt minutes que Roberto Benigni partage des litres de glace au gianduja avec Philippe Noiret et Michel Piccoli. Il en a plein la bouche, ce qui ne l’empêche pas de hurler en boucle « I scream, you scream, we all scream for ice cream ! ». Je comprends le jeu de mots, je suis américain, et s’il était seul, ce serait relativement drôle, ou du moins supportable, mais il faut entendre Piccoli lui répondre inlassablement « Silenzio » sur le ton d’un maître à son chien. C’est crispant. Et ça ne mène nulle part. Quant à Noiret, c’est une autre histoire, le malheureux se trouve prisonnier d’une boucle infernale qui le voit grossir comme une baudruche avant de rétrécir jusqu’à la minceur transparente d’un fil de pêche dans un va-et-vient infiniment pathétique.
J’en ai assez, je m’éclipse pour aller tourner ma scène avec Johnny Depp dans le jardin. C’est un duel, et nos pistolets sont chargés à balles réelles. Jim est très déçu de sa prestation dans Dead Man. Il dit que Depp a confondu Ed Wood et William Blake durant tout le tournage. Jim lève le bras et l’abaisse aussitôt… Je le savais, je tire avant que Johnny ait esquissé le moindre geste, et pendant qu’il s’effondre au ralenti, j’ai le temps de penser à deux choses. La première, c’est : « Johnny didn’t get his gun, this time » parce que je pense en anglais. Et la seconde, c’est que je suis le mari de Vanessa Paradis, désormais.
Pour me remercier, Jim m’offre un château et Vanessa et moi nous y installons aussitôt. C’est un mobil home installé sur un grand terrain situé au cœur du Limousin, exactement comme dans une photo de Frédéric Delangle*. Nous y sommes heureux comme dans les contes, mais je réalise qu’il y a une grande différence d’âge entre nous et que je serai bientôt un poids pour Vanessa, alors je compose une chanson. Vanessa pleure toutes les larmes de son cœur en l’écoutant au coin du feu.

C’est trop triste, je me réveille. Ma femme est bien plus jolie que Vanessa Paradis. Je le lui dis avant de lui raconter rapidement l’histoire de la caravane et de notre différence d’âge avec Vanessa. Ma femme me dit que j’ai vraiment une drôle de voix ce matin et me plante là. Il est encore tôt, je vais essayer d’enregistrer la chanson** avant de partir à l’agence.

*
Frédéric Delangle - Cern

















** Dead As Wood (la chanson composée lors de ma prise de conscience de notre différence d’âge avec Vanessa) est à écouter ci-dessous.